Voyage en Indonésie : Dernières Notes de Java
Selamat Pagi Ami Lecteur,
Comme promis dans mon précédent billet, voici un « petit » résumé de mes derniers jours à Malang.
Après une bonne dizaine de jours durant lesquels la pluie ne nous a pas épargnés – mais alors vraiment pas – et avec quelle vigueur parfois (c’est impressionnant quand même cette saison des pluies ! Surtout quand on n’est pas habitué… OK, il peut arriver qu’il pleuve, de temps en temps à Bordeaux, mais là c’est pire ! enfin bref…), le temps a commencé à bien s’améliorer avec de magnifiques périodes généreusement ensoleillées (où comment avoir les bras rouges –très- rapidement), offrant ainsi des couleurs encore plus éclatantes aux collines volcaniques et la possibilité de belles balades dans les environs.
Et à propos de balade, il s’est trouvé qu’un jour, à la faveur d’une coupure d’électricité paralysait l’activité du centre (c’est fou ce qu’on est dépendant de la fée électricité !), nous sommes partis avec Tobi, un des volontaires allemands, faire une petite ballade dans les environs et profiter des petits sentiers qui longent les jolis champs cultivés en pente ou en terrasse et qui sentent bon les pins, les bambous (ah bon, ça a une odeur les bambous ?) et les petites fleurs colorées des montagnes.
Bien entendu, nous sommes partis sans carte ni boussole, en décidant de ne faire confiance qu’à notre sens inné de l’orientation (moué…) et aux mesures de distances faites en pifométrie absolue.
Dans les environs de Petun Puntung Pengsun du village ou nous sommes, (Petungsewu, ça y est, ça me reviens !) la plupart des hommes et femmes travaillent dans les champs.
Ainsi la route est jalonnée de maisons en briquettes rouges pour certaines ou en planches de bois pour la plupart, qui trahissent les activités quotidiennes de la famille : linge qui sèche, enfants qui jouent dans la rue, poulets en liberté et riz qui sèche dans des paniers sur les toits.
Bon sinon, certaines sont en briques, peintes et possèdent des étages, prouvant ainsi la réussite de la famille…
Et à fur et à mesure que nous prenons de l’altitude, les habitations se font plus rares. Les champs continuent à être exploités mais par endroit la végétation change jusqu’à devenir familière : en effet, les bambous laissent place aux pins, sapins et à des buissons colorés… on se croirait presque dans les Pyrénées (à ceci près qu’une fumée volcanique s’échappe d’une montagne au loin) !
Et après quelques tours, détours, retours, nous finissons notre parcours dans un petit village non loin du notre, chez Lika.
Lika est une amie d’une autre volontaire partie la veille (incroyable comme le monde est petit !), une javanaise qui après s’être auto-formée en anglais, l’enseigne dans les classes des villages du coin.
Bien qu’elle ne nous attendait pas, nous sommes accueillis avec un immense sourire, et à peine avons-nous le temps de nous assoir, qu’elle et son mari nous apportent boissons, quelques petits gâteaux faits maison (un régal) pour ne pas dire l’équivalent d’un repas complet ! Puis, elle nous propose de l’accompagner dans la petite pièce de la maison que son mari (qui travaille dans une entreprise des environs, avec un salaire sensiblement plus élevé que ses voisins) a aménagée en salle de classe. En effet, nous avons débarqué à l’improviste alors qu’elle donnait un cours aux enfants des voisins.
A peine entrés dans la petite pièce, je ne sais pas qui de Tobi et moi ou des enfants étaient impressionnés… Eux de voir des étrangers, nous de nous sentir aussi bien accueillis et de voir la motivation et l’énergie que Lika mettait dans son rôle auto-attribué de maitresse d’école de fortune.

A sa demande, nous avons joué au Scrabble en anglais (en lui expliquant les règles, car le jeu lui avait été offert sans la notice!) et parce qu’elle a insisté, nous avons fini la soirée à discuter chez son frère de divers sujet, dont un très épineux, qu’elle nous a lancé avec une candeur désarmante et assez directement : que pensez-vous des terroristes islamistes ?
Voilà voilà voilà…
Voilà voila voilà…
Alors heuuu, comment dire, heuuuuu…
hé hé…
Regard à droite, regard à gauche.
Silence profond…
Regard interrogateur de Tobi… Quoi répondre ?
Non, parce que c’est vrai que c’est super facile comme sujet… Surtout avec des inconnus et encore plus quand on sait que son frère est imam, qu’elle porte de temps en temps le voile et que dans quelques jours ils vont fêter l’Aïd el Kébir, la fête du sacrifice (une des plus grande fête chez les musulmans, en commémoration du prophète Ibrahim (Abraham chez les hébreux) qui avait sacrifié son fils Ismaël pour montrer sa soumission à Allah… Bon c’est vrai que c’est une fête et qu’ils ne sacrifient pas d’humains, mais plutôt des « bèèè », heu pardon, des moutons (oui, j’apprends les bruits des animaux à ma nièce en ce moment) ou des vaches.
Donc, nous voici dans ce que d’aucun appellerait l’exercice du « bien » : non pas le bien contre le mal, mais un bel exercice pour rester « bien » général, « bien » vague, « bien » souriant, « bien » aimable, « bien » respectueux, « bien » arrondir les angles et « bien » sûr ne pas susciter de malentendu (facile quand on parle en anglais et qu’on a comme référence OSS 117… pas de polémique, surtout : PAS DE POLEMIQUE !)
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« Euh et sinon, vous vous êtes rencontrés comment avec ton mari » ?
Oui, ce fut une de nos questions-porte-de-sortie.. un peu facile, mais efficace !
Mais le jour ayant cédé depuis longtemps sa place à la nuit, et comme elle ne voulait pas nous laisser rentrer à pied (« ça peut être dangereux la nuit, à pied sur la route parce que les camions et les scooters ne vous voient pas »), c’est son mari et son frère qui nous ont raccompagnés en mobylette jusqu’au centre (sans casques, bien sûr… et c’est censé être moins dangereux ? de toutes façons, c’est proposé avec tant de gentillesse et d’insistance qu’il est impossible de refuser). De nuit, la lune blafarde éclaire faiblement la route et dans les virages les phares des deux-roues dans les bambous leur donnent vie de façon éphémère et magique, d’autant que le faible vent d’altitude semble susurrer une douce musique balançant leurs troncs élancés vers le ciel étoilé.
Sérieusement, les Javanais sont vraiment chaleureux, curieux et prêts à aider (sans aucune arrière pensée du genre : on-te-rend-service-même-si-tu-n’as-rien-demandé-et-en-échange-donne-de-l’argent), accueillants, ravis de faire des rencontre, bref sympas et de compagnie agréable !
Et en rentrant à nos chambres, un événement étrange est arrivé : enveloppés de la – désormais – classique symphonie de nos insectes familiers (et des cris réguliers des geckos), sous le ciel riche en étoiles (YES ! enfin, j’ai reconnu la croix du sud ! oui, pardon…) certaines étoiles ont pris vie et se sont mises à tourner en clignotant autour de nous. En fait, un véritable ballet de lucioles se déroulait sous nos yeux étonnés…
C’est vraiment étonnant la nature : Pourquoi de nuit un animal se met à clignoter ?
Peut être pour voir où il va et essayer d’échapper aux prédateurs en même temps ?
Du genre : coucou, je suis là, hop je ne suis plus là, et hop je suis re-là (non, là bas maintenant) et hop, je ne suis plus la et hop me revoilà et… Merde un arbre !!! « Ppouf » fait l’insecte qui s’écrase contre un arbre et « splick », la luciole sur le casque du vélocycliste à la sortie du virage de nuit !)…

Bref, après des journées passées à aider les gens du centre sur l’accueil de visiteurs locaux (et les 10aines de photos qui vont avec… non pas moi d’eux, mais plutôt l’inverse… je sens que je vais rentrer aussi mégalo qu’une rock-star à force d’être autant sollicité pour des photos !) – et de participer à certains jeux éducatifs – j’ai conclu mon séjour au centre du P-WEC par deux journées de formations !
En effet, entre autres activités, il fallait que j’assure 2 enseignements sur les techniques d’accueil des visiteurs et de guide touristique !
Heureusement, un support bien utile m’avait été fourni pour préparer la formation, parce que sinon, je n’y connais vraiment rien (à part être souvent servi au resto ou être encadré par un guide lors de certaines excursions…).
Ainsi, après un bon petit déjeuner (oui, traditionnel… ils allaient pas sortir des croissants les derniers jours, mais finalement, on fini presque par s’y faire au petit-déj traditionnel…) et à la faveur d’une belle journée baignée de soleil, toute l’équipe s’est retrouvée face a moi, les yeux avides de savoir et me voila donc dans une situation particulièrement ubuesque (et en leitmotiv « mais qu’est-ce que je fous là, franchement ? ») : parler d’éco-tourisme en anglais, avec une interprète pour le traduire en indonésien…
Ah comme ils sont délicieux ces petits moments de grande solitude…
Et parce que je sens, ami lecteur que vous vous demandez comment j’ai pu m’en sortir, voici comment ça c’est passé.
Non, je plaisante, je ne vais pas vous transmettre mes petits secrets !
Enfin, c’est surtout que je n’ai pas envie de raconter, encore, une de mes situations d’ « au-secours-je-me-sens-tout-seul-là-mais-pourquoi-j’ai-signé-mais-quel-c*n-mais-qu’est-ce-que-je-fous-là » ?
Bon, finalement, vu que j’ai à peu près tout partagé jusqu’à présent, je n’en suis plus à ça prés… alors Yalla :
Assis sagement en tailleur et moi debout, j’ai commencé par faire un « tour de table » (entre guillemets, car on était assis parterre) en leur demandant leurs attentes et à discuter avec eux de l’éco-tourisme (enfin, de ce que j’avais lu ici et là), ce qui a eu au moins comme avantage (pour moi surtout), de faire baisser la pression, car je dois avouer que je n’en menais pas large… Puis j’ai poursuivi en les faisant jouer quelques petits jeux de rôles (et les Indonésiens sont super joueurs) et enfin présenter les points clés importants en m’appuyant sur mon expérience de touriste, avant de conclure par une séance de questions-réponses et échanges…
Et finalement parce qu’ils semblaient satisfaits des informations transmises – et de la qualité de la présentation – mais surtout rassuré par leurs sourires réconfortants, je dois avouer que j’ai pris un énorme plaisir à donner cette formation et vivre cette expérience avec les Indonésiens.
Et pour fêter ça avec une partie de l’équipe et les volontaires, nous avons passé une soirée typique Malangaise (on va dire « javanaise » plutôt) : Direction donc un petit restaurant de la ville, avant de poursuivre la fête dans un… karaoké ! Yeah, let’s Rock and Roll !!!
Une belle occasion de sortir du centre, de voir la vie nocturne (assez sage, surtout si on compare avec d’autres îles plus touristiques… Oui, Bali ou Gilli Trawagan par exemple) et de massacrer (le terme n’est pas assez faible) certains standards internationaux (mention spéciale à D.I.S.C.O d’Ottawan !)… bref à bien se marrer !
Et enfin (?) le dernier jour arriva, avec son lot de remerciements d’échanges d’e-mails, d’accolades, de sourires et de photos avec toute l’équipe !
Mais avant de partir, l’équipe du P-WEC nous a proposés à Tobi et moi-même, de découvrir les beautés de la forêt tropicale et des espèces animales qui la peuplent.
Ainsi, accompagnés d’une biologiste, un des membres du centre (à priori pas celui qui conduit le mieux et qui reste scotché à son mobile, même au volant… enfin pas assez pour qu’on ait lui temps de changer ses paramètres et de mettre son portable en chinois! Oui, c’est très très enfantin, mais toujours drôle !) a loué une voiture et après avoir quitté la ville de Malang et traversé la toujours aussi animée campagne du sud de Java, contourné un des volcans du coi
n encore actif (à en croire la fumée qui s’en échappe), nous sommes rentrés dans le parc national à la découverte de la très dense, très humide et très verte forêt tropicale.
Abrités du soleil généreux par des arbres géants (dont certaines espèces datent des dinosaures), nous évoluons sur une route serrée et sinueuse.
Le temps d’un arrêt et d’une petite marche, nous découvrons une impressionnante chute d’eau (le site de « Owa air terjun watu ondo ») dont le bruit sourd, couvre à peine les cris des oiseaux, des insectes et des singes.
Plus haut dans le ciel un point noir tourne au dessus de nous : un grand aigle noir évolue « lentement les ailes déployées, lentement je le vis tournoyer » sans doute à la recherche d’une proie…
Ici les oiseaux sont de toutes les couleurs (rouges, verts, jaunes) aux cris stridents et « cacquetants » qui résonnent dans toute la forêt et s’envolent à notre approche (heureusement, nous avons des jumelles pour les observer), ou quand un singe, sautant d’un arbre voisin, s’agrippe à leur branche.
Mais les singes ne colonisent pas que les arbres…
En effet, une petite question : qu’est-ce qui est moins intelligent qu’un singe ? Un discours de Ségolène Royale groupe de macaques !
Et quelques kilomètres plus loin, en sortie d’un virage, une tribu de macaques tient un sitting au milieu de la route, si peu effrayés par le bruit du moteur qu’ils se mettent à courir dans notre direction.
Du coup, on est obligé de piler !
La voiture à peine arrêtée, les animaux nous observent curieusement dans le véhicule, dont nous avons fermé les fenêtres, car le singe est un peu voleur sur les bords et ils aiment toujours emporter quelques trophées, à l’insu des gens…
Un peu isolé, un autre macaque regarde la scène, mais ne participe pas. Visiblement, il a été exclu du groupe.
La biologiste nous explique que de récentes études ont montré que les singes créaient des tribus, dont certains membres pouvaient en être exclus et il a même été démontré des cas d’homosexualité chez certains individus, lesquels forment leur propre groupe…
Ainsi, ils défilent lors de la monkgay-pride et militent pour avoir la possibilité de se marier et d’adopter des enfants (heu, je ne suis pas sur pour ces derniers points).
Enfin, comme quoi, cette maladie déviance perversion tendance sexuelle ne concerne pas que l’homme, mais aussi d’autres espèces animales. Incroyable non ?
La route évoluant sur les crêtes des montagnes javanaises, elle offre par endroits de magnifiques points de vue, que ce soit les pentes multicolores des champs cultivés, ponctués de petits villages, les successions de crêtes alignées comme des vagues, ou alors des sommets de volcans qui semblent émerger d’une mer de nuages.
Sur le chemin du retour, une petite escale s’impose (sous le harcèlement de Tobi) pour goûter un fruit vénéré par les asiatiques : le Durian !
Et pour les (chanceux) qui n’auraient pas gouté, le durian est donc 1 fruit dont la particularité est d’émettre à maturité une odeur subtile : mélange de camembert, munster et autre fromage « parfumé », dont la chair onctueuse révèle un gout unique et indescriptible…
Et pour se remettre de ces émotions fortes, ils nous proposent de prendre un petit verre en terrasse d’un restaurant sympa de Malang, à deux pas des universités, dont la déco est constituée d’éléments chinés dans diverses brocantes du coin dont quelques pépites : des 33 tours de groupes indonésiens datant des 70’s !
Enorme le style !!!
C’est sur ces notes fruitées et de voyage dans le temps, que mon séjour à Malang se termine, car après de nouveaux « au-revoirs », remerciements, et dernières recommandations (j’aime pas les au-revoirs, à fortiori quand on n’a pas envie de partir…), ils me déposent à la station de bus pour prendre le bus de nuit, direction : BALI !
Mais, au travers de ces quinze jours qui sont passés trop vite, ce qui reste c’est ce doux sentiment d’avoir été un peu utile (ou l’espoir de l’avoir été), d’avoir partagé quelque chose d’unique, le tout tempéré par une pointe de frustration, car 2 semaines : c’est court !
Et sans vouloir passer pour un horripilant donneur de leçon, le fait d’être un peu sorti de ma zone de confort – aux habitudes bien ancrées, rassurantes mais sclérosantes – et de partager le quotidien de gens dont la culture et le mode de vie sont si différents des miens, m’a un peu ouvert les yeux (et j’espère l’esprit) sur les différences radicales qui coexistent sur notre petite planète, depuis le cadre pressé en costume cravate qui sort du métro direction son bureau dans une tour de La Défense ou de Wall Street, au paysan qui laboure sa rizière les jambes dans l’eau boueuse rendue brûlante par le soleil, en passant par la mère de famille qui râle parce qu’elle est coincée dans les embouteillages et qu’elle arrivera encore en retard à la crèche, puis à son boulot…
Mais surtout, cela m’a permis de prendre un peu de recul, minimiser mes problèmes quotidiens (oui d’accord chacun les siens… Mais bon, ce n’est pas parce que mon iPhone ne capte pas en bord de mer, que le compte rendu de réunion n’est pas finalisé ou que le conducteur n’a toujours pas démarré alors que le feu de circulation est vert depuis au moins 10 minutes, que cela doit forcément me pourrir la vie !), de prendre conscience de la chance que j’ai de vivre dans ce pays de râleurs impénitents qu’est la France et peut être gagner – un peu – en humilité.
Oui la vie est belle, car au-delà de son cortège de moments difficiles et de peines associées, elle offre de fantastiques opportunités de rencontre, d’échange, de partage, d’expériences, de joies, d’étonnements, de rires, de raisons d’aimer… à condition bien sûr de vouloir les vivre, de prendre sa vie en main, de sortir de son confort et écouter ses envies pour avoir la folie de vivre ses rêves !
A chacun donc d’être l’acteur du changement qu’il veut voir dans sa vie, et dans le monde.
En acceptant bien sûr le fait que tout ne peut être changé et donc avoir assez de sagesse pour savoir faire la différence.
Au final, je ne sais pas qui a été plus utile à l’autre ?
Enfin, si j’ai une petite idée…
14 novembre 2010