Congé solidaire : Arrivée au Criobe
Ia Orana Ami Lecteur !
(pour rappel, si vous n’avez pas lu mes précédents billets sur la Polynésie, ça veut dire “bonjour” en tahitien)
Après un peu plus de 20h d’avion et surtout 12h de décalage horaire, me voilà perdu au milieu du Pacifique, le plus grand océan du monde, pour passer 2 semaines sur la petite île de Mooréa (à une 20aine de kms au nord ouest de Tahiti) au sein du CRIOBE, le Centre de Recherches Insulaires et Observatoire de l’Environnement, lequel dépend du CNRS de Perpignan.
(ça c’est l’arrivée à l’aéroport, pas au centre…)
2 ans après mon premier séjour en Polynésie Française, je redécouvre les plaisirs d’ici : d’abord l’arrivée à 4h du matin, après 8h de vol de nuit, assez agité) entre Los Angeles et Papeete (j’ai réussi à me renverser du thé dessus !), mais surtout l’accueil fleuri et musical à l’aéroport de Faaa (ukulélés et fleur de frangipanier à mettre à l’oreille… ça change de l’odeur du kérosène !) et le bonheur de deviner les contours escarpés de l’île qui commencent à se dessiner : en effet à mesure que l’aube naissante arrache à la nuit les détails de l’île, celle-ci se colore progressivement de marron, de vert, de jaune, de bleu turquoise, de bleu roi…
Le transfert entre Tahiti et Moorea se fera cette fois-ci, non pas en bateau, mais à bord d’un ATR de la compagnie Air Moorea. 10 minutes de vol entre les 2 îles qui offrent de très beaux points de vues sur les 2 îles voisines.
Ici, j’accompagne (modestement tout de même…), avec 3 autres volontaires de l’ONG Planète Urgence, les scientifiques du centre dans leurs études sur les coraux, les poissons des lagons et des rivières, l’évolution des rivages et finalement tout ce qui a trait à la faune, la flore et à la structure des lagons et des récifs coralliens.
Ces quelques semaines ici sont inscrites dans le cadre d’un congé solidaire, proposé par le biais d’une ONG. Le but : profiter de ses vacances, ou RTT, pour aider au fonctionnement de structures diverses et variées. Les dites structures inscrivent leurs actions de développement soit en direction des populations locales, soit pour l’étude et la sauvegarde de l’environnement.
Bon, c’est vrai, il y en a qui sont partis, au Mali ou au Gabon, donner des cours à des enfants… Mais bon, vue ma patience à expliquer les choses à des gens qui comprennent pas ce que je raconte, j’ai préféré raviver mes vieux souvenirs de biologie animale et végétale…
Et quitte à le faire, autant que ce soit dans un endroit assez paradisiaque !
Le Criobe se situe au fond de la baie d’Opunohu à Moorea (l’ile soeur de Tahiti, en forme de papillon).
Les bâtiments sont éparpillés dans un grand jardin fleuri et abritent des laboratoires de recherche, des gros aquariums, une bibliothèque, une pièce commune, une cuisine et des chambres (pour les chercheurs venus en mission). Les autres scientifiques et techniciens, affectés au centre de recherche à temps plein, habitent Tahiti ou Mooréa.
Prévue pour loger 4 personnes, ma chambre n’est occupée que par une seule personne : moi ! En effet, exceptionnellement, il y a un peu moins d’activité au centre à cette période.
Enfin, quand je dis que je suis seul dans la chambre, ce n’est pas complètement vrai… les moustiques ayant profité de quelques trous dans la moustiquaire ont élu aussi domicile et quelques geckos venus à l’ombre attestent de leur présence par leurs cris stridents et (trop) réguliers ; mais bon, en même temps c’est assez rigolo comme animal le gecko, avec ses pattes en forme de ventouses et normalement ça mange les moustiques (j’ai bien dit normalement… là, je pense qu’il ne devait plus avoir faim, c’est peut être la raison pour laquelle qu’il chantait !).
Et je me demande si je n’ai pas vu passer quelques insectes rampants à antennes… Ah les joies de la vie en milieu tropical !
Ainsi, les journées sont bien rythmées : lever aux horreurs – heu pardon – aux aurores (oui, le soleil est très matinal, lui – il a de la chance… – en Polynésie, c’est à dire 5h30) pour aller récupérer des filets de pêches destinés à capturer des larves de poissons qui reviennent de l’océan et rentrent dans le lagon. Si le réveil n’est pas toujours facile (j’aime pas me réveiller tôt), les paysages de montagne se réveillant par les caresses des rayons du soleil, au bord d’une mer calme sont vraiment magnifiques.
Bref… la pêche permet à 2 scientifiques d’étudier et de déterminer les modes et les stratégies de développements des poissons. En effet, les poissons se reproduisent dans le lagon, puis les œufs partent dans l’océan, grandissent pour devenir des larves et reviennent ensuite coloniser le récif où elles finiront de se différencier pour donner les poissons dont les couleurs et les formes réjouissent les plongeurs (sauf les plus blasés, dont on se demande encore pourquoi ils plongent tellement ils râlent… peut être pour annoncer fièrement qu’ils ont plus de 1000 plongées à leur compteur).
Puis, soit nous partons plonger pour faire des mesures de luminosité, de visibilité (entre 37 et 47 mètres, dans une eau qui oscille entre 26 et 27°), de vitesse du courant, de vitesse de sédimentation (en posant des appareils de mesure à différentes profondeurs, dont certains s’apparentent à du bricolage), soit nous partons étudier la ligne de rivage.
L’étude de la ligne de rivage consiste à marcher le long du rivage (et oui…), avec de l’eau jusqu’à mi-chevilles (on dirait presque de l’aqua-gym) et à l’aide de cartes détaillées, faire des relevés de points GPS et noter les éléments caractéristiques : de belles plages, les constructions de remblais, de descentes à bateau, plage, les coraux morts (ou plus rarement, vivant), les créations de chenaux (creusés dans le corail) pour les bateaux…
Ceci permet, en réalisant ce genre d’études à intervalles régulier, de voir l’évolution du rivage et l’impact sur la biodiversité marine.
Les “Moorea-iens” (les habitants de Moorea, quoi) ne nous regardent pas toujours d’un bon œil. Jusqu’à ce que nous leurs expliquions le pourquoi de notre présence. Certains alors nous expliquent que depuis leur enfance, ils ont pu constater que le littoral avait bien changé…
Parfois nous sommes accueillis par des chiens plutôt agressifs ; et dire qu’habituellement on les voit dormir sur les routes !
En général, nous faisons ça pendant 3-4 heures, juste pour parcourir 3 kms (quelle frustration !). Enfin, au début, parce que le Criobe possède des canoës, ce qui rend au final l’exploration du rivage plus aisée.
A l’occasion des plongées, j’ai pu constater un gros désastre : Moorea a perdu plus de 90% de son corail, mangé par son plus gros prédateur : l’Acantasther, étoile de mer vorace (et venimeuse). Ainsi, des sites magnifiques, riches en couleurs et en vie poissonneuse, que j’avais pu voir il y a 2 ans ont laissé place à des paysages désolants, où le corail mort est colonisé par des algues et où quelques poissons tentent de survivre (ce qui pose problème pour les locaux, car il y a moins de poissons à pêcher, donc moins à manger… heureusement qu’il y a des Mc Do !).
Et le soir, nous repartons sur le récif frangeant, remettre en place le filet pour capturer les larves de poissons.
Compte tenu du rythme des journées et parce que le centre est un peu éloigné des zones d’activités (en général les gros hôtels), nous sommes un peu en autarcie. C’est un peu frustrant, d’autant plus que nous rencontrons peu de locaux (et de locales, encore moins)…
Faudra donc que je revienne ! 🙂
Et entre deux sorties sur le terrain, nous participons à l’activité générale de la station : courses, préparation des repas (le plus souvent : pâtes et riz… rien de très polynésien malheureusement), maintenance de certains appareils de mesure, rangement, aide à la construction de bâtiments…
Et puis, sur une journée dite “Off” (le samedi ou le dimanche) – car il y a beaucoup moins d’activité – j’ai pu partir avec 2 autres volontaires faire du snorkelling avec les baleines (pour la deuxième fois… et c’est toujours aussi magique ! surtout lorsque le baleineau passe à 3 mètres de moi !) le matin.
Suivi, l’après midi, d’une promenade en direction du col des 3 cocotiers, promenade qui alterne chemins à flanc de montagne volcanique, franchissements de rivières, le tout sous une végétation riche en gros bambous, hautes fougères, châtaigniers locaux (et d’autres arbres que je ne connais absolument pas !) et qui offre de superbes panoramas. En plus, c’est l’occasion de faire des rencontres intéressantes, en particulier avec ces pu*$! de moustiques de me#£& qui semble bien se moquer de l’anti-moustique – pourtant spécifié “tropical strengh” – acheté en France. Pire, on dirait même qu’ils l’apprécient !
Et parce qu’il y a une station américaine dans la baie de Cook (nous, nous sommes situés dans l’autre baie, celle d’Oponuhu), nous avons organisé un gros barbeccue pour 30 personnes : l’occasion de passer une bonne soirée, autour d’un Mahi Mahi acheté au bord de la route, avec les chercheurs américains dont certains parlaient très bien français (incroyable, non ? Des américains qui parlent français… non ?) !
D’ailleurs l’achat du Mahi Mahi a été assez épique. En effet, nous avons emprunté la voiture du centre, une vieille 205 bleue gendarmerie (qui ne doit tenir que par la peinture, aussi rafistolée que peuvent l’être les Tupolevs d’Aeroflot et dont le plancher permet d’avoir, par endroits, une très belle vue sur la route !) dont les clignotants sont cassés, la ceinture de sécurité du conducteur non attachable et qui a la particularité de caler aux moments les moins opportuns. Bref, les courses faites au Casino de Vaiare, nous partons acheter du poisson. Or, les ventes de poisson sont plus rares les week-ends (c’est plus difficile de sortir pêcher le samedi matin, après la grosse soirée “bière Hinano et gros son à l’arrière du pick-up” du vendredi… et c’est pire le dimanche matin !).
Après avoir fait presque 3 fois le tour de l’île (là, j’exagère un tout petit peu), après un virage, juste derrière un bosquet de tiaré nous finissons par tomber sur un engin étrange posté au bord de la route, à l’ombre des cocotiers. Le regard sombre, qui transparaît au travers d’une étrange tunique bleue, un être nous fait signe… Serait-ce un membre d’une tribu locale ? « Mon Dieu, un premier contact avec les autochtones » pensais-je avec une émotion non feinte, à l’idée d’échanger et découvrir une nouvelle culture ! Étrange, il a la peau bien pâle pour un local… Et son blason n’est pas le signe distinctif de sa famille, mais nooooooooon… Arghhhh… un contrôle de police !
– Bonjour, vous savez pourquoi on vous arrête”
(là, on sent la procédure, parce qu’à chaque fois c’est la même question)
– Bonjour Monsieur l’Agent… heu, j’ai quelques idées, oui heu, vous avez vu, j’ai mis les majuscules pour vous parler… ça compte ?).
– Il ne vous manque pas quelques chose pour conduire ?
– Heu si, la ceinture, mais elle ne s’attache pas. On est volontaires au Criobe et on est parti faire des achats pour le centre.
– Vos papiers s’il vous plait. Attendez ici, je vais voir avec mon supérieur.
Aux 2 autres volontaires venues avec moi : Oups, je crois qu’on n’est pas bien là… Bon, on fait comme si de rien n’était, après tout on est pas polynésien et il a bien vu qu’on n’avait pas bu de bière…
Après quelques minutes à regarder les papiers, l’état général de la voiture et à discuter, le gendarme revient :
– bon, circulez, mais dites au responsable du centre de faire réparer le clignotant, les essuis glace et la ceinture. Et s’il peut passer un coup de peinture là, là et là et encore là (son index pointant différents endroits de la voiture), ça serait pas mal !
Oh punaise, j’adore la Polynésie !!!
Heureusement quelques mètres plus loin un magnifique Mahi Mahi d’1 mètre, pendu par la queue est proposé à la vente. Le temps de négocier l
e prix, il est plié dans le coffre, entouré de papier journal. Et à l’arrêt suivant nous achetons à une vahiné (celle qui est gonflée, par celle qui a la taille d’une gousse de vanille) des “Urus”, les fruits de l’arbre à pain que nous ferons griller aussi au barbeccue.
(on va dire que le Mahi mahi, était à côté… c’est parce que j’aime bien leurs ponts que j’ai mis la photo…)
Les gens à la station de recherche sont tous vraiment très accueillants, du directeur aux étudiants… tous, à l’exception d’une française, résidant à Tahiti, et qui vient ici juste le temps d’une courte mission. Habillée en aventurière de jeu vidéo, elle est aussi agréable qu’un moustique un soir d’été (c’est dire si on a envie de la claquer) avec une haute estime d’elle même et une arrogance rare. Bref, elle dénote un peu avec les autres et rend le séjour agréable lors de ses absences.
Les scientifiques sont toujours prêt à expliquer ce qu’ils font (vu les moyens à disposition – pas beaucoup! – et le temps qu’ils passent sur leurs expériences, on se rend vite compte que c’est une passion !) et toujours contents d’avoir un coup de main.
Et, hormis une volontaire qui semble être venue faire, non pas un congé solidaire, mais un congé solitaire (tant elle s’accapare les missions qui l’intéressent laissant aux autres ce qu’elle ne désire pas faire), l’esprit de groupe permet une bonne cohésion et des échanges intéressants.
Sinon, on est un petit peu déconnecté des locaux, qui sont en revanche toujours aussi décontractés (ahhh, le tutoiement polynésien…) et sympa quand ils nous rencontrent.
La première semaine s’est passée très vite ! La deuxième promet de passer au moins aussi rapidement je le crains…
Envie de partir en Polynésie Française ?
Retrouvez mon article dédié avec de nombreux Conseils Utiles et Pratiques pour Préparer votre voyage à Tahiti et en Polynésie Française.
Le 10 octobre 2009