Fin du séjour au Québec… Tirer la Chasse avant de partir !
Bonjour mon “T’cheum” lecteur,
Témoin traditionnel du passage de l’été à l’automne, le mois de septembre offre habituellement de douces journées ensoleillées, bien vite oubliées par des périodes riches en pluies et aux températures bien plus fraîches. Températures dont l’amplitude désarmante crée, d’ailleurs, de nombreuses et belles occasions de tomber malade ! Ah oui, c’est aussi le mois d’ouverture de la chasse !
Et ce septembre 2018 n’a pas dérogé à la règle, enfin au Canada en tous cas…
Bien installés au coeur de la forêt, alors que les arbres ont lentement offert aux sols l’or de leurs feuilles, le soleil a capitulé face aux nuages et leurs lourdes cargaisons de pluie.
L’humidité alliée au froid a donc vite rendu essentiel la présence du poêle à bois ! Lequel est d’ailleurs bien vite devenu mon meilleur ami (à fortiori quand mon nez à commencer à rendre hommage aux chutes du Niagara et ma gorge à brûler…).
Et ce brusque changement de climat n’a pas refroidi les chasseurs… bien au contraire !
La Chasse aux Petits Gibiers dans la Forêt Québécoise
Les groupes de chasseurs continuent de se suivre et ne se ressemblent (presque) pas.
En effet, bien que leur matériel soit systématiquement impressionnant (grosses remorques, gros buggys pour rouler dans les bois, grosses armes, grosses cartouches, et surtout grosses quantités de bière), certains pourtant se distinguent des autres par leur armement.
“La vraie chasse est avant tout un sport” Un chasseur Canadien.
En effet, aux armes à feu cette catégorie de chasseurs préfère l’utilisation d’arbalètes, d’arcs et de flèches.
Comme me le dit un des chasseurs, “la vraie chasse est avant tout un sport” (“et avec des armes à feu, c’est tricher”) qui consiste à s’approcher le plus silencieusement et le plus près possible de l’animal en n’utilisant que des armes “traditionnelles” (et donc, pas “à feu”…). Ceci dit, les arbalètes, les arcs et les flèches sont fabriqués en carbone, kevlar et acier inoxydable et non pas en bois et pierres taillées : comme quoi, à la chasse, la tradition n’exclue pas la technologie !
Donc, selon eux, cela crée une relation différente avec l’animal et ils peuvent passer de longues minutes à observer le spectacle offert par “dame nature”, subjugués par la majesté de l’orignal évoluant avec grâce dans son milieu naturel. Parfois, leur regard ayant croisé les yeux noirs de l’animal, et ainsi brièvement comme sondé l’âme de l’animal, ils s’interdisent alors de décocher la flèche létale (parfois, seulement…) !
Et à les entendre, c’est ce qui fait “la différence entre le bon chasseur et le mauvais chasseur (…) le viandard et le non viandard” :
En revanche, en ce qui me concerne, mes parties de chasse se résument à attraper des petits rongeurs à poils blancs : les souris !
En effet, maintenant que la bise est venue, le net rafraîchissement des températures qui l’accompagne les pousse à se mettre à l’abris, et voilà qu’elles montrent leur museau quotidiennement !
Comme elles sont visiblement adeptes de beurre de cacahuètes, j’établis un rituel : tous les soirs j’enduis les pièges-en-prenant-soin-de-ne-pas-me-coincer-un-doigt—aïe-trop-tard-put*in-hiiiitabarnak-ça-fait-mal-cette-c*nnerie-ostie-de-piège-de-marde (je sais plus si je jure en français ou si je sacre en québécois…) ! Puis les dépose dans des endroits stratégiques (et surtout partout où je les ai vues apparaitre et disparaitre fugacement) : sous les lits, à proximité du réfrigérateur, dans la salle de bain…
La nuit faisant son office, il n’est pas rare de se faire réveiller par un vif claquement : le bruit caractéristique du piège qui se rabat vigoureusement sur… Le gros orteil de Valère ! Son doigt de pied venant en effet de faire connaissance – un peu maladroitement, certes – avec le piège.
Et tranchant le calme de la nuit, Valère lâche alors une série de jurons qui tire brusquement des bras de Morphée les autres résidents de la cabane (Bon OK, je l’avais peut être mis un peu trop près de ses chaussons sous son lit… Mais ce n’est pas une raison pour réveiller tout le monde en hurlant !). Et compte tenu du nombre de mots fleuris, j’en déduis que la douleur est toute aussi vive que la surprise d’avoir confondu le piège avec des chaussons !
Bon, sinon il y a bien des nuits où je capture, non pas des orteils, mais des souris ! Et au petit matin, je me débarrasse des cadavres en les dispersant “façon puzzle” : sans prendre le temps de leur offrir une sépulture digne de ce nom, elles disparaissent, englouties dans l’épaisse brume blanche qui recouvre le lac (je remarque d’ailleurs, que ça ne vole pas bien une souris)…
Bilan : en un peu plus d’un mois, j’ai bien dû vider l’équivalent d’un pot de 250 grammes de beurre de cacahuète : il faut parfois sortir la grosse artillerie quand on va à la chasse !
Finalement, dans un automne bien installé, les douces journées ensoleillées ont définitivement cédé la place à un temps fraîchement plus humide.
Les dernières minutes de nuit viennent doucement tirer des nappes de brouillard caressant la surface du lac et enveloppant les arbres de voiles cotonneux. Et une fois dissipé, il révèle alors de gros nuages, qui déversent leurs bataillons de gouttes d’eau froides sur la forêt ; l’armistice ne venant – bien entendu – qu’en fin de journée, à la faveur du retour de la nuit !
Mais cela ne refroidit pas les chasseurs qui, de leurs côtés, s’attaquent à un bien plus gros gibier… Et ainsi donc :
La Chasse à Orignal du Québec
Et pour cela, la journée de chasse est réglée comme du papier à musique : les chasseurs partent très tôt le matin (tellement tôt que je ne suis le soleil n’est pas encore levé) et reviennent la plupart du temps bredouille en fin de matinée. De retour, ils prennent alors le temps de déjeuner et de boire des bières faire une bonne grosse sieste, avant de repartir pour chasser jusqu’à l’arrivée de la nuit.
A propos de nuit, le site est tellement isolé des zones habitées, qu’il n’est pas relié au réseau d’Hydro-Québec. Quelques panneaux solaires produisent de l’électricité pour le site, mais lorsque le soleil a disparu à l’horizon et que le site est plongé dans la pénombre, l’alimentation en électricité – tant pour les différents appareils, que pour l’éclairage du site – est assurée par un groupe électrogène. Une puissante génératrice transforme l’essence, en électricité grâce à un bruyant moteur thermique.
Afin de limiter les nuisances sonores, ce dernier est située dans un cabanon, à l’écart des habitations.
Et, pour éviter de polluer consommer de l’essence quand nous dormons (il est vrai que nous n’avons pas besoin d’électricité à ce moment là), nous devons l’éteindre avant d’aller nous coucher (en général vers 23h)…
Ainsi plongé dans une nuit dessinée à l’encre noir, le site change d’atmosphère, rendant le retour à la cabane quelque peu excitant inquiétant… En particulier lorsque les rayons de la lune, parvenant à percer les nuages, viennent donner vie à des volutes de brume, innombrables silhouettes blanchâtres semblant marcher sur les eaux sombres du lac. Côté forêt, le spectacle n’est pas plus rassurant : les troncs des arbres semblent avoir été transformés en fantômes géants qui agitent désespérément leurs bras dans le vent.
Dans ce silence ouaté, le moindre bruit devient suspect et confère aux lieu une ambiance de “domaine hanté” !
Et c’est ainsi que lors d’une nuit sans lune, la forêt alors plongée dans un épais silence noir, revenant d’éteindre la génératrice et traversant à pas rapides feutrés le domaine, avec pour seul éclairage celui une lampe de poche, je me demandai si une créature terrifiante n’allait pas sortir du lac en hurlant ! Quand, à peine allongé dans mon lit, et bien camouflé au chaud sous les couvertures en laine – avec des images de films d’épouvante plein la tête – un bruit sourd déchira alors la nuit, accompagné de cris et de coups sur la porte du chalet !
Je sursautai si haut que je faillis tomber du lit ! Valère et Théolien se levèrent (nous partageons tous les 3 la même chambre) et, alors que Valère enlevait le piège à souris qui s’était rabattu sur son doigt de pied en jurant, partirent ouvrir la porte. Dans l’encadrement se tenaient 2 chasseurs fiers comme un bar-tabac Artaban : ils avaient en effet traqué, puis abattu un orignal en début de soirée et après avoir suivi l’animal blessé, attendu qu’il se couche et vidé (!). Puis, remonté à bord de leur buggy, avaient traversé la forêt dans la discrétion la plus absente ! Valère et Théolien partirent avec eux pour le rapporter proche de la chambre froide pour le découper et le stocker jusqu’au départ du groupe.
A 23h45, Valère revint me demander de l’aide pour découper l’orignal.
– Ah…………
Prétextant différentes excuses aux motifs plus fallacieux les uns que les autres, allant des plus traditionnels (« Je ne peux pas, j’ai piscine »), aux croyances personnelles (« C’est contre ma religion »), ou encore me cachant derrière une certaine « maladresse-lors-de-l’usage-d’une-scie-électrique », sans oublier une petite bonne dose de mauvais foi (prétextant une envie de devenir « Vegan » ; oui, toutes les mauvaises excuses sont bonnes !), je refusais donc bien poliment de participer à l’atelier de découpe.
– Mouais, donc tu aimes bien manger de la viande, mais tu te dé-douanes du process ; t’es bien un « granola » !
“Granola” est l’expression teintée de condescendance de Valère pour traiter les gens de “Bobo”, en se référant à la tendance actuelle de mettre des graines à toutes les sauces… Ce qui est ridicule, car c’est bien meilleur dans les salades, les graines !
Et en plus, je ne suis pas du tout Bobo !
En revanche, c’est vrai que j’aime bien les graines, le Granola… Ah oui, et le Muesli aussi !
– Oui, ok, si tu veux… Par contre, je peux aller allumer la génératrice et t’apporter du matériel, si ça peut t’aider ?
Dont acte : la génératrice rallumée, j’apportai des outils tranchants avec des bâches protectrices…
Face à l’animal sans vie, accroché au portique par les pattes arrières, j’ai l’impression de plus en plus forte d’être dans un film d’épouvante évoqué plus haut, ou une adaptation canadienne de la série “Dexter“.
En fait, à voir les outils utilisés, c’était plutôt un film du genre “Massacre à l’ostie d’côlice de tronçonneuse, tabarnak” !
Quoiqu’il en soit, je félicitai les chasseurs-trop-fiers-de-leur-trophée-de-chasse-et-qui-pour-célébrer-leur-prise-ouvrirent-des-canettes-de-bière et pris poliment congé, rapportant au chalet une poche de 3 kilos, contenant les rognons et le coeur de l’animal (visiblement, les Québécois n’aiment pas les abats…).
Étrangement, je décidai de ne pas retourner sur le site de découpe et les laissai ainsi “s’amuser” entre eux !
Le lendemain, j’aidai les chasseurs à emballer les différents morceaux d’orignal (on dirait un puzzle en 3D, un peu sanguinolent tout de même…) dans des grands sacs, et à les charger dans leurs pick-ups.
Puis le soir venu, nous nous régalâmes des rognons cuisinés en sauce faite maison (faites revenir des oignons dans du beurre, ajoutez du vin rouge, une pincée de sel et de poivre, et relevez le tout d’une petite touche de sirop d’érable… c’est délicieux !) ; le tout, accompagné de nos champignons sautés à l’ail et voilà un délicieux festin au coeur de la forêt… Alors : Merci les chasseurs !!
En revanche, comme sur Tinder à la chasse tout le monde n’a pas la chance de tirer, certains sont donc rentrés chez eux bredouille à la fin de leur séjour…
Et, après plus d’un mois passé dans la forêt québécoise, je pris la direction de Montréal afin de travailler avec d’autres partenaires du projet, laissant Valère et Théolien avec les derniers groupes.
La piste cabossée nichée au coeur de la forêt, fit place à une route bien « plate » (“ennuyeuse”, selon une expression québécoise), mais élégamment colorée au pinceau de l’automne !
Et après 6 heures au volant, j’arrivai enfin à Montréal, alors que le soleil colorait les bâtiments aux couleurs de sirop d’érable, pour y retrouver la famille de Valère chez qui j’allais rester 1 petite semaine pour travailler – et prendre un peu de temps pour découvrir le temps d’un week-end de 3 jours, la petite New-York québécoise.
Quant au séjour à Montréal, ce sera l’occasion d’un prochain billet…