Ouverture d’hôtel en Indonésie : “Willkommen, Bienvenue, Welcome”…
“Willkommen, Bienvenue, Welcome”…
Chantait le Maître de Cérémonie dans la comédie musicale “Cabaret”, car, oui, ça y est : on a ouvert !!!!
« Ça y est », car cela n’a pas été sans mal !
Je ne reviendrai pas sur les premières semaines un peu compliquées lors de mon arrivée à Malang (pour plus de détails, voir les billets précédents… ici, là ou encore là…), mais après avoir déménagé plusieurs fois, partagé une chambre, puis une maison en collocation avec des membres de l’équipe, abusé du street-food et des mobylettes comme moyens de déplacement, j’ai finalement emménagé dans l’hôtel peu avant son ouverture avec du coup : un accès direct au restaurant, son petit déjeuner continental, ses plats internationaux, son bar et les services de voiturier de l’hôtel pour se déplacer, sa piscine, son SPA, sa salle de gym…
Et dire qu’enfant j’avais toujours imaginé que les instituteurs habitaient à l’école, je ne pensais pas qu’un jour j’habiterais sur mon lieu de travail…
Adieux embouteillages, transports en communs, bonjour ascenseur pour aller directement au bureau !
Les gros avantages à habiter dans l’hôtel dans lequel on travaille, c’est qu’on ne fait pas le ménage de sa chambre, qu’on ne fait pas son repassage non plus, qu’on ne s’occupe pas des repas, mais surtout : qu’on a l’impression de ne jamais s’arrêter de travailler (ah oui…) !
Par exemples :
– Un problème de clim, d’infiltration, d’eau chaude-pas-chaude, de coupure d’électricité et bien : on est immédiatement au courant !
– On dine au restaurant ? On ne mange pas en fait, car on regarde tout ce qui ne va pas : aussi bien dans l’assiette que dans le service…
– Un tour au SPA ? On n’est pas détendu par le massage, car on est concentré sur la masseuse la musique trop forte, la lumière qui n’est pas correctement orientée, l’odeur qui n’est pas agréable…
Et c’est sans compter sur le fait que les Indonésiens sont super curieux de nature et surtout hyper fans de ragots (pire qu’un bureau rempli de femmes dans lequel on lache le dernier numéro de Closer…) : “Et tu vas où Pak Pidjay / Et pourquoi / Et Comment / Et tu y vas avec qui / Et tu viens d’où ? / Et qui c’est que tu ramènes dans ta chambre à qui tu parles, elle est jolie ? / ” (rayez la mention inutile)
En tous cas : c’est animé, et il y a toujours quelqu’un à qui parler… Ou plutôt quelqu’un qui a envie de vous parler, car le staff indonésien est super accueillant, toujours souriant et a toujours une furieuse envie de discuter (parfois trop…) ! Alors pour la vie privée, c’est un peu compliqué !
Donc l’une des joies de vivre à l’hôtel : c’est qu’on se sent d’un coup beaucoup moins seul ! C’est vrai qu’en plus des différentes équipes qui animent la vie de l’hôtel au service des clients (on a un peu plus de 200 membres de personnel, tous départements confondus… ça fait du monde !), on a aussi les équipes du constructeur qui finalisent les travaux !
En effet, ceux-ci ayant subit quelques dérapages de calendrier (comme quoi, ce n’est pas l’apanage de la construction française) – on ouvrira avec “seulement” 3 mois de retard – grâce à la « magie » du management de projet en Indonésie, le suivi des travaux et des petites surprises dans la dernière ligne droite !
En effet, à la difficulté d’avoir des informations fiables et réalistes quant à l’avancée des réalisations, se sont ajoutée de curieuses découvertes : les méthodes de travail des ouvriers du bâtiment !
Première constatation : il sont nombreux, très nombreux, sur un chantier !
Ah oui aussi : ils ne portent pas forcément de casque de sécurité, marchent pieds nus, laissent des fils électriques nus et font des montages un qui dépassent parfois l’entendement …
Mais entre les siestes des uns, les pauses cigarettes des autres, les pauses prières à heures régulières, les pauses déjeuner et les discussions sur BlackBerry-en-l’absence-des-superviseurs, l’étirement vers le haut du bâtiment et les différents amménagements semblent parfois tenir du miracle ! Et des heures à rallonge aussi : Ici, ils commencent à 6h du matin – un bonheur quand on dort dans l’hôtel… – et travaillent jusqu’à 23h).
Par contre, ce qui est moins miraculeux, c’est l’impression de constamment faire, de défaire et de refaire : on nettoie, on emménage les chambres, puis on s’aperçoit de certains petits défauts. Par exemples : une fuite d’eau, l’électricité qui ne marche pas, un plafond qui n’est pas droit, la clim qui est inversée, l’eau chaude qui n’arrive pas et pourtant on a bien ouvert les robinets et on a « attendu, attendu, elle n’est jamais venue, zaï-zaï zaï-zaï zaï-zaï… ».
Alors l’équipe du constructeur vient pour “règler” le problème, ne protège pas nos affaires, fait tomber du ciment ou de la peinture sur le mobilier qu’ils ont bien pris soin de ne pas couvrir, met de la poussière partout…
Alors on re-nettoie après leur passage.
Et c’est alors que, comme par magie (ou défaut de finition, comme vous voulez) : un autre défaut apparaît (on peut reprendre la liste précédent et inverser l’ordre par exemple).
Alors ils reviennent encore ; réparent à leur façon… Et donc on re-re-nettoie…
Puis un autre défaut ayant miraculeusement fait son apparition (suite à une modification au-dessus, ayant eu un impact en dessous…).
Alors ils reviennent encore ; réparent à leur façon… Et… Enfin bon, je pense que vous avez compris !
Mais au-delà des travaux, quelques petits détails plus “culturels” sont venus s’immiscer, comme par exemple la numérotation des chambres :
Je pensais naïvement qu’on pouvait numéroter les chambres en indiquant comme premier chiffre, le numéro de l’étage, puis progresser de façon séquentielle en comptant de 1 en 1, en mettant par exemple les numéros pairs d’un côté et les numéros impairs de l’autre (enfin, je dis ça, je dis rien, c’est juste une suggestion, hein !).
Mais en fait : non ! Car histoire de rajouter un nouveau casse-tête, les Chinois (casse-tête… chinois… OK humour à 2 rupiah…) étant super superstitieux, il fut interdire de faire apparaître le chiffre 4 (il porte méchamment malchance), ni le chiffre 13 (il porte énormément la poisse), ni encore d’avoir l’étage 0, en référence à « Ground Zero (la superstition traverse les frontières)…
Conclusion : on passe directement de l’étage 3 au 5 (ça m’arrange en fait, car ça fait un étage de moins à monter quand on va au 7ème, heuu….) et aucune chambre ne comporte le chiffre 4 (donc pas de chambre 444) : on passe donc, par exemple, de la chambre 239 à 250… Facile !
Ça “simplifie” vraiment l’organisation des étages et l’agencement des chambres, croyez-moi !
Un autre exemple ?
Disons : la date de l’ouverture. Celle-ci n’a pas été décidée en fonction de la fin des travaux (avec une période « tampon »)… Pour faire plus rationnel et scientifique, elle a été déterminée en fonction des calendriers de maîtres Feng shui, pour qui la conjonction de Mercure en Pluton (ou plutôt du Dragon en Serpent…) était de bonne augure pour le business et « l’ouverture d’une nouvelle maison » !
(J’écris « des calendriers », car comme bon nombre de spécialistes, ils ne sont pas forcément d’accord entre eux sur les dates).
Et en même temps, j’ironise un peu mais c’est quand même fascinant de découvrir de telles différences et surtout d’en apprendre toujurs un peu plus sur le mode de fonctionnement et sur la culture indonésienne !
Et à force de résoudre des énigmes, de courir dans tous les sens, de s’agiter et de faire agiter le bouillon… L’univers s’est mis progressivement en place et on a pu ouvrir : on a donc reçu nos premiers « guests » !
D’abord non-officiels, puis officiels (la différence tient en ce que l’hôtel n’était pas officiellement ouvert).
Et parce qu’on n’avait pas assez de nos équipes à gérer, il a fallu « éduquer » les équipes du constructeur… Car non contents de taper sur des tôles métalliques ou autres matériau bruyant à partir de 6 heures du matin, ils ont comme bonne habitude de laisser négligemment leur matériel sur les terrasses des chambres (ça fait classe d’ouvrir ses rideaux et d’avoir la vue sur une échelle, un seau et une truelle… avec quand même la piscine au fond !), d’écraser leurs mégots de cigarette sur les carreaux, de roter hurler dans les couloirs (j’en passe et des meilleurs… leur imagination étant sans bornes #soupirs#)…
Et comme dans tout modèle d’éducation qui se respecte, on a donc respecté plusieurs phases :
– Phase 1 : On leur a sobrement demandé d’arrêter leur “conn*rie-m*rde-à-la-fin-on-a-des-gens-qui-viennent-se-reposer” !
Mais vu que cela n’avait pas le résultat escompté, on est passé à la :
– Phase 2 : c’est-à-dire qu’après avoir répété 15 fois les choses, avec l’intonation de voix qui allait crescendo, l’orage a éclaté et la foudre a commencé à tomber…
Mais vu que cela n’avait pas le résultat escompté, on est passé à la :
– Phase 3 : (puisque la méthode « douce » ne marchait pas très bien), on a fini par leur interdire de faire des siestes dans le jardin, d’uriner dans les chambres, d’hurler dans les talkie-walkies, d’accéder aux espaces publics…
Vous avouerez quand même que, en tant que client, c’est quand même plus sympa d’avoir une vue ouverte sur la piscine, que sur un mec qui se balade en Marcel®, les pieds nus, avec un pantalon tâché et un casque de chantier sur la tête, et encore, quand ils en ont un (de casque)…
Enfin, quelques courtes nuits et de nouveaux cheveux blancs (que je tente vainement d’arracher un par un) plus tard, le jour J est arrivé : une énorme cérémonie d’ouverture, avec 1200 invités dont l’homme le plus corrompu le maire de la ville (800 000 habitants quand même), des vidéos projetées sur les murs, des discours interminables, buffet et alcool à volonté, des danses traditionnelles, un feu d’artifice, 3 orchestres « live », des jeux concours, des activités pour les enfants, des strip-teaseuses, des défilés de mannequins en lingerie fine, des saladiers de cocaïne, de l’ecstasy (ah non, je me suis trompé avec une soirée chez Canal +)…
Et à force de faire n’importe quoi, on a presque tous fini n’importe comment : c’est à dire à dire à danser dans la piscine, puisque le grand jeu à été de s’y pousser tout habillé (certains téléphones ont définitivement rendu l’âme ce soir là) !
D’ailleurs, j’étais le deuxième… Et y ai été poussé 2-3 fois ! A croire que plusieurs personnes du staff ont voulu se venger…
Ou peut être pas, car vu qu’ils s’y poussaient les uns les autres, en courant à travers le restaurant, c’était plutôt une sorte de tradition à respecter.
Une chose est certaine : on s’est bien marré lors de cette soirée aux allures de Gatsby le Magnifique !
Avec un centre de convention, des salles de réunion, une piscine, un restaurant, un café, un bar, un SPA, une salle de fitness (bizarrement, il m’y voient peu…), contrôler les chambres, inspecter la cuisine, contrôler les stocks, vérifier la propreté des couloirs, faire des réunions avec la compta, les ventes, les ressources humaines, accueillir les clients aux heures de pointe… J’ai l’impression de courir un marathon chaque jour dans les couloirs de l’hôtel, quasiment 7 jours sur 7 !
Et la cerise sur le gâteau, c’est quand survient un problème qui relève de l’ingénierie, comme par exemple le générateur électrique ou le système de clim qui ne fonctionne pas correctement, qui fait un bruit bizarre (« ah, parce que ce bruit est bizarre ?»), ou alors qui n’affiche pas les bons paramètres (« ah parce que ces chiffres là sont trop élevés ? »)… J’ai soudain l’impression de me retrouver face à – feu – ma voiture sur laquelle surviendrait un problème moteur, et soulevant le capot, regarder l’ensemble fort marri, et finalement le refermer dépité, en me disant : bon, et bien j’ai encore plein de trucs à apprendre !
Car si ce n’est pas reposant tous les jours (non, diriger un hotel en Indonésie, ce n’est pas être en maillot au bord de la piscine, à boire des cocktails toute la journée !!), l’immense récompense vient des clients, locaux et internationaux, quand ils nous disent avoir beaucoup aimé leur séjour dans l’hôtel et le service souriant des équipes !
Mais bon, comme je disais au début : ça y est, on a ouvert et franchement, je ne pensais pas que c’était aussi “rock’n roll” d’ouvrir un hôtel !
Et surtout : je comprends mieux pourquoi il n’existe pas d’ouvrage du style : « Ouverture d’Hôtel pour les Nuls » !
3 commentaires
c’est enorme tout ça !! ça tient en haleine tes histoires !! pour nous c’est moins exotique du coup , on est aussi tres pris par notre quotidien professionnel et les enfants !! je t’en dirai plus ! grosses bises de nous 4 à tres bientôt pour plus de news
Enfin tu as une piscine tu vas pouvoir t’entrainer mon Pidjay!!!!
Vivement la prochaine visite (de l’un ou de l’autre)
@ Michael : effectivement, une piscine et un toboggan : ça laisse augurer de beaux entrainements… mais personne à couler !
@ Barbara et Pierre : Merci pour le commentaire et avec plaisir pour (prochaines) les news… Tours est moins exotique que Papeete alors ?