Shanghaï – Lost in Translation
Nihao (« bonjour » en chinois et en caractères lisibles…) Ami Lecteur,
Après une nuit peu reposante dans un avion de la KLM (c’est incroyable ce que les Néerlandais sont bruyants et agités dans un avion) j’ai donc quitté la fraicheur hivernale d’un mois de mai français, pour découvrir la Chine, en atterrissant à Shanghai, sous… la pluie (du style petit crachin breton un peu pénible, parce qu’il s’infiltre partout) !
Me voici donc au point de départ de 3 semaines en Chine, dont les étapes du voyage sont : Shanghai et ses environs – Les Montagnes Jaunes – l’Exposition universelle – Pékin – La Grande Muraille de Chine – Hong Kong – Yangshuo.
Les formalités douanières efficacement effectuées (« Hello » *sourire* « passport please » *sourire* une photo, le contrôle du visa, *sourire*, le scan obligatoire du sac et le tout en moins de 10 minutes !), me voici à bord du Maglev, le train à sustentation qui relie l’aéroport au centre en moins de 8 minutes à la vitesse incroyable de 400 km/h (sauf à certaines heures ou il ne roule qu’à la vitesse frustrante de 300 km/h… bien sûr c’était mon créneau horaire !), avant de prendre le métro (heureusement, les noms des stations ne sont pas indiquées qu’en chinois) jusqu’à ma destination finale : la maison où habitent des cousins expatriés.
La découverte de la Chine par Shanghai, ancienne ville divisée en de multiples concessions (dont une française) suite aux guerres de l’opium, est déroutante.
En effet, après une visite au Vietnam, son voisin du sud, au passé au moins aussi fortement communiste, le contraste est particulièrement frappant !
La Chine a découvert les joies de l’économie de marché et s’en accommode particulièrement bien.
Ici, pas de routes en terre, pas de petites maisons délabrées (enfin, si, mais ils sont entrain de les raser et reloger beaucoup-beaucoup plus loin les habitants… lesquels ne sont pas forcément contents, mais communisme oblige : on ne leur laisse pas le choix !), pas de vélos tout rouillé ou de scooters aux gaz échappements généreux (au contraire d’ailleurs, on trouve une majorité de 2 roues électriques) !
Ici, les petits restaurants typiques et marchands de rue côtoient les Mc Donalds, KFC et autres grosses enseignes américaines (tiens, j’ai pas vu de Quick…).
Les revendeurs d’imitations ont autant de présence que des Gucci, Channel, Boss, Jaegger Lecoultre, Cartier et autres « petites marques modestes » dont je n’ai pas la liste (mais il m’a bien semblé qu’ils sont tous présents !).
La ville est en perpétuelle effervescence : ça construit dans tous les sens (autant en hauteur, qu’en largeur et qu’en profondeur) et le paysage urbain est à grande dominance de tours, bordant de larges allées très arborées (certains arbres arborent des petites guirlandes dont quelques unes en formes de pâquerettes souriantes… c’est « choupi » au possible) et par endroit de petites – toutes petites – maisons, qui permettent de loger les quelques 15 millions d’habitants !
D’ailleurs, rien qu’au niveau du récent quartier d’affaires, on trouve 113 buildings qui dépassent les 150 mètres, dont le plus haut atteint 492 mètres ! Il est d’autant plus visible qu’il ressemble à un gigantesque décapsuleur.
La circulation est assez périlleuse (à se demander comment ils n’ont pas plus d’accrochages) et les klaxons signifient plus que l’on souhaite passer, que de manifester son mécontentement (ici, on ne s’énerve jamais, non jamais… C’est mal de perdre la face !) et le piéton n’est pas, mais alors absolument pas, prioritaire.
D’ailleurs, en plus des rues et grandes allées, la ville est traverse en plusieurs voies rapides (des 2*3 voies bordées de plantes vertes en pots), qui se croisent sur plusieurs niveaux (j’en ai compte 3, mais je me demande s’il n’en manque pas un…), a tel point qu’a un endroit il a fallu construire un pilier spécial pour supporter le tout ! Ce pilier a une histoire originale : les ingénieurs ne réussissant pas à construire un pilier suffisamment solide, firent en désespoir de cause, appel a un maitre Feng-shui qui trouva la solution. Depuis tout tient parfaitement bien (le pilier est d’ailleurs reconnaissable a sa structure différente et aux dragons sculptes) ! C’est pas énorme comme histoire vraie ?
Enfin les différentes forces de police associées aux nombreuses, très nombreuses, cameras vidéos (sur la route – on prend en photo les conducteurs un peu partout – et dans les rues) font que l’on se sent soit fliqué, soit en sécurité (je vous laisse libre de choisir, d’autant que je ne veux pas que mon mail soit censuré).
La ville est très propre et semble presque neuve : à l’approche de l’expo universelle, la municipalité a décidé de rafraichir la ville. Ainsi les façades et les autoroutes qui traversent la ville ont été repeintes, des milliers d’arbres et plantes ont été plantées ici et la, afin de mettre en lumière le slogan de l’expo : « Better city, better life ».
Les gens s’accaparent facilement les espaces vers, devenus espaces de vie : dans un parc, qui partage l’espace avec un zoo où quelques pandas s’esbaudissent à manger des tiges de bambous au soleil (ils ont la belle vie les pandas… mériteraient d’être fonctionnaires !),
on vient pratiquer le Tai-shi tôt les matins (le Tai-shi, c’est une sorte d’art martial, où les mouvements sont faits toute en douceur, et avec des postures parfois étranges… genre sur un pied, le genou plié, alors que les bras tournent lentement autour du buste… c’est étonnant à voir, mais il parait que c’est super !),
ailleurs, on joue avec des diabolos, là-bas, on prend un cours de danse, plus loin un groupe éphémère s’est spontanément formé entre 2 musiciens et une chanteuse (ceci est encore plus frappant le week-end, car se ne sont plus des dizaines de personnes qui font ces activités, mais des centaines, et en famille).
Pour mieux découvrir un autre visage de Shanghai – outre de nuit, au View-bar (offrant une vue panoramique à couper le souffle (tant que c’est pas la soif…), un super choix de vins, de cocktails internationaux et d’escort girls de toute l’Asie) situé au 56e étage d’un immeuble au bord du Bund, c’est à dire les quais réaménagés en bord du fleuve Huangpu (très belle vue, toute électrique et colorée) – l’idéal est de quitter les grosses artères, les devantures des magasins et de passer les portes gardées d’un monde étonnant : les « lilongs », ces petites ruelles composées de petites maisons : les « Shikumens » !
Si dans la concession française, aux rues bordées de platanes centenaires, on en trouve de vraiment magnifiques (avec petit jardin) et bien rénovées, celles de la vieille ville chinoise contrastent avec le reste du paysage urbain : elles dépassent rarement les 30 m2, la vaisselle se fait dans un évier dehors et une famille entière (parents, enfant -en théorie- unique, grands parents) s’y entasse ; entre 2 maisons face à face, le linge sèche, suspendu sur des tiges de bambous (les culottes et slips aussi… ici, la promiscuité induit de tout faire partager). L’étonnement cède place à l’amusement quand, au détour d’une des petites rues, on retrouve les Shanghaiens attablés à jouer aux cartes ou au Majong (ils sont incroyablement joueurs, c’est fou ! Au détour de ruelles, dans des petits locaux sobrement aménagés, ils sont en général tous affairés à jouer, ou à conseiller les joueurs quand ils ne sont que simple spectateurs !), ou quand une voiture de luxe croise un des pousse-pousses.
Bref, Shanghai est une ville non seulement dynamique, mais en plus surprenante et euphorisante, qu’il est difficile de résumer, tant il y a à raconter : C’est une ville qui se vit !
La Chine s’ouvrant petit a petit au tourisme (les premiers touristes du pays, sont les chinois eux-mêmes), il y a peu d’inscriptions en anglais et très peu de gens le parlent. De temps en temps, on entend un “Hello”, auquel en répondant, on est gratifié d’un sourire !
Et s’il on est perdu et que l’anglais n’est pas praticable, il reste toujours le mime et les gestes (et là, ça devient presque comique…). Quoiqu’il en soit, les gens sont toujours aimables et à même d’aider, même s’ils préfèreront se tromper et indiquer une mauvaise direction, plutôt que de dire qu’ils ne savent pas.
En tous cas, une chose est sûre : les sous-titres manquent dans les discussions…
Ce qui est amusant aussi, lorsque l’on se promène, ce n’est pas tant l’impression d’être plus grand que tout le monde (ça me fait bizarre quand même, surtout du haut de mes 1m75), mais c’est surtout d’être regardé, montré du doigt (qui trahit un sourire gêné quand on s’en aperçoit) et surtout photographié (encore plus quand je mange avec des baguettes !). Photographié et encore photographié… Et Photographié, mais alors photographié, tout le temps (avec demande, ou non…) !
En revanche, il y a un signe qui rappelle constamment qu’on est en Chine (en dehors des idéogrammes), c’est par exemple lors d’une promenade, un profond et lourd raclement de gorge vient à couvrir le bruit ambiant, tellement sourd qu’il crée des mini secousses sismiques, suivi d’un long « déglutissement » lequel vient être ponctué par un somptueux et généreux “Pteuuuut’ : un gros crachat tranche l’air et vient s’éclater sur le sol, à l’instar d’une météorite qui traverse l’atmosphère de notre planète, se consume dans l’atmosphère et s’écrase lourdement en un énorme cratère… Oui, on vient de cracher juste devant-derrière-à côté (rayer la mention inutile) de moi ! Le chinois est un cracheur invétéré ! (qu’il soit content ou non, contrairement au Lama dans Tintin, qui « quand pas content, lama cracher » lui crache quand il est fâché)
Oui ça n’a rien à voir, mais bon…
Bref, tout ça pour dire qu’à part la visite des différents quartiers et centres d’intérêt de Shanghaï (le centre d’affaire de Pudong et ses gratte-ciels multi-formes et multi-colores, la concession française et ses rues bordées de platanes, la place du peuple et le musée de Shanghai en forme de chaudron, le marché aux tissus pour se faire tailler des vêtements sur mesure, le marché aux faux pour acheter des vraies belles imitations…), il y a aussi l’exposition universelle : mais bon, ce sera l’occasion d’un autre billet…
Ici chaque achat (dans les magasins où le prix n’est pas indiqué) est l’objet de longues négociations… Mais attention ! La négociation est véritable un sport national, voire un vrai jeu pour les Chinois !
Si le vendeur suspecte un acheteur potentiel d’être intéressé par un article et que ce dernier commence à demander le prix, surtout avec un regard qui trahit une envie prononcée, alors c’est parti pour de longs échanges ! Et si on ne comprend pas ce qu’ils disent ni le prix, alors la calculatrice devient un bon outil pour négocier (après bien sur avoir négocié le tissus, la coupe du costume à créer sur mesure, les finitions…) !
D’ailleurs, pendant la négo, un petit conseil : ne pas hésiter à surjouer (eux, ne vont pas se gêner !), mais toujours en gardant le sourire et son calme (on ne s’ennerve jamais en Chine… c’est mal !) et sans changer d’avis trop souvent (parce que là non plus, ils n’aiment pas !). En revanche : pas question de prendre ça à la légère et de partir avant la fin : là ce serait interprété comme se moquer d’eux (en plus de perdre la face) et ils aiment encore moins !
Dans les environs de Shanghaï, à 1 heure de route, se trouvent les « villes d’eau ». En particulier la petite ville de Tongli, village traditionnel chinois, dont les petits canaux zigzaguent entre les maisons et abritent de magnifiques trésors : des collection d’œuvres d’art et surtout les jardins chinois.
Les Jardins chinois, étant des représentations en miniature de l’univers, ceux-ci sont très travaillés et ressemblent parfois à de véritables tableaux. Ainsi, les rochers symbolisent les montagnes, des petites étendues d’eau, remplies de poisson, symbolisent la mer, on retrouve de nombreuses essences d’arbres et de beaux bâtiments, aux tuiles très travaillées (on dirait des écailles de dragons).
Les différents pavillons (chambres, salles de réception, théâtre…) s’enchainent et sont disséminés au sein du jardin. Les ponts et les couloirs sont en zigzague, pour éloigner les mauvais esprits (oui, le mauvais esprit est très con : il marche toujours tout droit !). Se promener dans un jardin est une belle occasion de se figurer combien la civilisation chinoise était riche, raffinée et cultivée.
« Etait », car la révolution culturelle de ce cher Mao a détruit beaucoup de chefs-d’œuvres historiques : L‘abus de révolutions est mauvais pour la culture.
Heureusement, quelques pièces ont été cachées et conservées à l’abri, pour mieux être restaurées et montrées : la Chine se réinvente son passé…
Quoique sans aller aussi loin, les Jardin Yuyuan, un parc de 2 hectares datant du 16ème siècle et niché en plein coeur de Shanghai, permettent de se faire une belle idée, mais avec un petit bémol : il y a plein de monde autour (alors pour la photo individuelle ou sans personne dessus, faudra repasser…).
La construction de ces jardins, entreprise par Pan Yunduan pour faire plaisir à son père, a pris une petite vingtaine d’année… ça devait être un bon hobby du dimanche !
Ces premiers jours en Chine sont donc riches en découvertes, en étonnement et en rencontres.
Et si le Shanghai que je visite est loin de celui de « Tintin et le Lotus bleu », le nouveau Shanghai est à la Chine ce que New York est aux Etats-Unis : une ville dynamique, magique, enthousiasmante et euphorisante, où tout est possible, mais qui ne représente pas complètement ce qu’est le pays (en même temps, vue la taille du pays en question, du nombre de ses habitants et de la multiplicité de ses dialectes, ce serait étonnant !)…
D’où l’intérêt de s’en extraire le temps d’une escapade pour se mettre au vert et découvrir les magnifiques Montagnes Jaunes, un “Voyage au bout de l’Anhui”…
Le 16 mai 2010.