Ascension du Kawah Ijen : les Chercheurs de Minerais Jaune en Indonésie
Selamat Pagi Ami Lecteur !
Donc, comme je le disais l’écrivais dans mon précédent billet :
« Et après un petit diner dans un waroeng, un de ces petits restaurants de rue qui font la renommée internationale de la cuisine indonésienne (ou pas…) afin de découvrir la spécialité gastronomique locale (du riz – ben oui… – des légumes et du tofu le tout furieusement épicé) et surtout une courte nuit (lever à 4 heures), nous partons avec un guide local en direction du… Volcan Ijen (le Kawah Ijen, littéralement : “le cratère vert”) ».
Bienvenue donc dans le « Far-East » Javanais chez les chercheurs de minerais jaunes du Kawah Ijen !
L’accès au point de départ de la randonnée se fait après avoir traversé les magnifiques paysages qui bordent les flancs du volcan, les petits villages de la tribu des “Osing” (une tribu locale), et à mesure que nous montons en altitude, les rizières en terrasse cèdent la place à une extraordinaire forêt équatoriale (extraordinaire par la taille des arbres et leur feuillage) et ses fougères géantes, palmiers, bananiers (et autres arbres dont je ne connais pas le nom, mais tellement denses que la lumière du soleil a du mal à pénétrer les sous-bois) , puis à différents types de plantations et enfin par des acacias, mimosas, pins et autres résineux.
La voiture garée, les droits d’entrée payés au Poste PHKA de Pos Paltuding (15 000 IDR, soit 1,5 USD), les blousons bien zippés (il fait un peu frais à 5 heures du matin à 1800 mètres) et les sacs à dos remplis de snacks et bouteilles d’eau, nous entamons ainsi notre promenade dès potron-minet sur le petit sentier de 3 kilomètres, « ce petit chemin qui sent la noisette » et surtout qui mène au sommet du volcan.
Le début de l’ascension du Kawah Ijen
Le guide m’annonce, tout souriant et en Français dans le texte : « nous avons donné un surnom au volcan : la montagne aux Français ». Il parait en effet qu’ils représentent une part importante des touristes venant dans la région.
Je doute un peu et prends ça pour une petite blague (aaaah l’humour indonésien…), mais ne contredis pas (après tout, je suis Français moi aussi) et pourtant en 8 mois de présence dans la province de Java Est, je n’ai pas croisé 1 seul Français !
Et à pourtant à mesure que la pente du chemin de randonnée s’accentue, un cri strident déchire le silence embrumé du petit matin : « Et m*rdeuuu j’ai glissé », lâche une fille du groupe que nous venons de dépasser… Je suis avec 3 Indonésiens (le guide et 2 amis avec qui je suis parti de Malang) et j’ai une impression bizarre : d’un coup j’ai l’impression de me retrouver à l’étranger !
Il faut dire que le volcan a été rendu célèbre dans l’hexagone par un concours de circonstances « télévisuelles » : une émission d’Ushuaia Nature de Nicolas Hulot (qui a visiblement laissé une bonne image ici), un reportage produit par TV5 monde, une visite de Yann Arthus-Bertrand (qui n’a pas laissé un très bon souvenir visiblement) et plus récemment par un tournage de Pékin Express ont permis aux téléspectateurs de faire connaissance avec la beauté du lieu… Et c’est dire si on donne une bonne image de la télé française à l’étranger !
Le sentier de la randonnée est un chemin de terre volcanique profondément noire et poussiéreuse, avec parfois de petites planches en bois pour couvrir une crevasse dans le chemin.
Le chemin semble assez plat… Au début en tous cas, car la pente de la montée va vite s’accentuer (ah tient ça commence à tirer un peu derrière les jambes là… uh uh uh… pfff j’aurais dû faire du sport avant, parce que là, ça brûle les poumons… uh uh uh… Bon, j’ai bien réfléchi : on peut faire une pause cigarette, là ? Oui, je sais : je ne fume pas et alors on peut pas faire une pause, quand même? Quoi, ça fait pas 10 minutes qu’on est parti ? ah…).
Et si elle semble s’aplanir par moments, c’est pour mieux se redresser et serpenter le long de la montagne. Et histoire d’ajouter un peu de « fun » à la promenade (la pente, parfois glissante n’est pas suffisante à elle seule), quelques branches d’arbres en travers du chemin nous forcent à nous plier (je te mettrais un téléphérique, comme dans les Montagnes Jaunes en Chine, ce serait quand même plus simple pour tout le monde…).
Ceci dit, la randonnée s’apparente plus à une belle promenade qu’à une longue marche, difficile et dangereuse en terrain hostile…
De la végétation qui borde le chemin entre les rochers couverts de mousse et lichens, seules quelques fougères, herbes, mousses et arbres subsistent (des acacias, mimosas pins et autres résineux dans lesquels se cachent des singes), alors que des troncs brulés par les fumées acides, se tiennent maladroitement debout, comme autant de témoins victimes des mortelles émanations toxiques pouvant survenir du cratère.
Les troncs noircis se dressent tels des ombres fantomatiques dans la brume qui enveloppe la montagne et confèrent au lieu une atmosphère particulière, mystique. Ainsi, par endroit, on se croirait dans le Mordor tel que le décrit Tolkien dans sa trilogie du Seigneur des Anneaux.
Et sur cette route aussi noire qu’une nuit sans lune, apparaît alors un petit caillou jaune vif, telle une étoile dans le ciel, puis 2, puis 3… et ce jusqu’à former des constellations sur le sol : des tous petits morceaux de soufres tombés des paniers jonchent le sol de façon éparpillée. Car le chemin est très passant : aux touristes venus arpenter le sentier, se mêle un flux régulier de porteurs de soufre.
Petit Diaporama de photos prises lors de l’ascension du volcan:
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La Souffrance des porteurs de soufre au Kawah Ijen
Car le Kawah Ijen est aussi connu pour sa production de soufre située au cœur du cratère, que les hommes viennent chercher au péril de leur vie, le volcan étant bien actif et parfois interdit d’accès.
En exploitation depuis 1968, ce sont de 300 à 400 personnes qui travaillent sur le site et extraient de 10 à 14 tonnes de soufre au quotidien. Les porteurs font l’ascension 2 fois par jour et peuvent souffrir des charges variant entre 60 et 80 kgs, pour un salaire de 800 rupiah (soit moins d’1 dollar) par kilo.
Ils commencent à travailler sur le site à l’âge de 16 ans, jusqu’à leur départ en retraite à 65 ans (quand ils arrivent à cet âge là) et en théorie 6 jours par semaine (en pratique : plutôt 7 !).
Ils habitent dans les petits villages du bas et leurs femmes s’occupent à cultiver les champs de café, les plants de cannelle, de girofliers (clous de girofle), d’hévéas (pour le caoutchouc) ou encore de cacaoyers, sur les terres fertiles de l’ancien volcan qu’on croyait trop vieux, d’ailleurs « il est parait-il, des terres brûlées donnant plus de blé qu’un meilleur avril » (comme le disait un autre guide chanteur).
Si certains restent même sur place le mois entier (il y a des dortoirs) et ne redescendent qu’une fois par mois pour voir leur famille et apporter la paie, d’autres rejoignent quotidiennement leur lieu de travail en s’entassant à l’arrière d’un camion qui assure les transports quotidiens de soufre et du personnel, ou sinon en mobylette…
Les paniers en bois tressés sont remplis dans le cratère même du volcan et sont ensuite portés sur l’épaule, jusqu’aux lieux de pesée : il y en a un au sommet et un plus bas dans la vallée, avant d’être chargé dans le camion, destination l’usine de traitement.
Pour information, le soufre est ensuite revendu à différentes industries, dont les produits pharmaceutiques, les produits de beauté (je crois que je ne regarderais plus les pubs L’Oréal de la même façon maintenant…), les engrais, insecticides…
A chaque fois, une contre-marque est donnée au porteur, afin de comptabiliser le chargement et payer le porteur en conséquence.
Lors de la descente, les pas en cadence du porteur font grincer le chargement en rythme et annoncent ainsi son arrivée, avant de dépasser de son allure pressée les touristes dont le rythme de marche est assurément différent (rho, la honte !), car ralenti par la contemplation du paysage et l’étonnant spectacle des porteurs de soufre, qui n’hésitent pas à poser le temps d’une photo (et d’un petit billet de 2000 roupies).
Qu’il pleuve, vente, neige (heu, pas sûr…), ou qu’il fasse grand soleil, ils arpentent le chemin en bottes, en tongs et bien souvent à pieds nus.
Le guide me raconte à ce propos qu’une association s’était créée pour leur fournir des chaussures de marche de qualité… Or peu de temps après avoir été livrés et les avoir essayées, les porteurs de soufre les ont rapidement délaissées, ou plutôt les ont revendues (il n’y a pas de petit profits) et ont repris leurs habitudes de marche !
Au sommet du Volcan, dans la caldeira
A mesure que l’on s’approche du cratère, le chemin s’aplatit. Les troncs brûlés par l’acidité des gaz (pulvérisés tel un aérosol provenant du cratère) et les herbes qui recouvrent les courbures des crêtes, laissent alors place à un paysage rocailleux, quasi lunaire et absent de vie, avant d’offrir une vue magnifique sur le lac aux eaux bleues turquoises niché à 2150 mètres d’altitude et duquel s’échappent des dizaines de fumerolles.
Le long de la paroi rocheuse de la caldeira, une grosse fumée jaunâtre remonte des bords du lac artificiel (construit en 1921 par les hollandais, afin de contenir le débit de l’eau acide qui se déverse dans la vallée et protéger les villages et les cultures) : le gaz qui s’échappe des entrailles de la terre est rempli de soufre ; il est refroidi pour être « précipité » en cristaux jaunes, qui sont ainsi récupérés en blocs et transportés à dos d’hommes.
Les 30 millions de m3 du grand lac (1 km de long sur 600 mètres de large) renferment les eaux les plus acides du monde (pH de 0,2 à 0,4 !), dû à la dissolution des gaz volcaniques dans l’eau et la formation d’acide sulfurique, de chlore et de fluor. Leur température est contrôlée quotidiennement, car elle témoigne de l’activité du volcan : une augmentation de la température et la formation de bulles de gaz (dont certaines peuvent faire 10 mètres de diamètre !) annoncent un risque d’éruption prochaine.
La fumée témoigne donc de l’activité bien réelle du volcan.
Petit Diaporama : Au sommet du Volcan…
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Ainsi, en 2002 le site a été fermé pendant les 2 premières semaines d’août, suites à des explosions volcaniques et des gros panaches de cendres. Et plus récemment, en décembre 2011, suite à une série de tremblements de terre, mais sans éruptions, le site a aussi été fermé et une zone d’exclusion de 1 km de diamètre autour du cratère a été définie, par mesure de sécurité.
Les géologues définissent différents types d’éruptions et concernant Ijen les plus régulières sont les phréatiques (dégagements violents d’eau sous forme de gaz), les magmatiques (avec écoulement de magma) et les « lahars » (mot javanais désignant les coulées de boue brulantes, de roches et cendres volcaniques).
Les dernières éruptions “phréatiques” datent donc de 2011, sans faire heureusement ni dégâts ni morts.
La dernière grosse éruption “magmatique” (spectaculaire, dévastatrice et meurtrière) remonte quand à elle en 1817 : le cratère du lac a été littéralement éjecté, puis pendant 33 jours les plaines autour du volcan ont été “inondées”, la lave, les boues et les gaz détruisant de nombreux villages, en particulier dans la vallée de Rogodiambi.
Les dernières productions de “lahars” furent observées en 1936 et en dépit de leurs fortes chaleurs (90°C) et de leur dangerosité (les coulées de boues détruisent tout sur leur passage) n’ont fait aucunes victimes.
Heureusement, aujourd’hui, le site est bien surveillé et sécurisé…
Après 1h30 de randonnée, il est temps de faire une petite pause sur une corniche (enfin plutôt un rocher plat) qui surplombe le lac à 2390 mètres d’altitude et de profiter ainsi d’une vue bien dégagée, tout en prenant un petit déjeuner à l’abri du vent glacial, avant de faire le chemin en sens inverse.
De toutes les façons, on ne pourra pas descendre vers les berges du lac : l’accès au centre du volcan est interdit aux touristes. En revanche les « chercheurs de soufre » s’y relaient pour remplir leurs sacs sur un chemin bien raide et caillouteux (donc pas très stable).
Les plantations de café, sur les pentes du Volcan !
La descente du Kawah Ijen est au moins aussi belle et en sens inverse et offre l’occasion de s’arrêter pour voir les plantations de Kaw… de café (ouf, j’ai failli faire une blague pourrie) !
Sous les palmiers, les grains de café…
En effet, j’apprends ainsi que le café n’est pas produit en capsules d’aluminium la région des plateaux d’Ijen offre les conditions idéales (températures, l’humidité et l’exposition) à la production de café que ce soit arabica ou robusta, considérés comme les meilleurs cafés de Java : on redescend donc en pleine forme et plein d’énergie !
Comme quoi, un bon Kawah (Ijen) dès le matin, ça fait vraiment du bien (et m*rde, je l’ai fait mon jeu de mot pourri… Arghhhh ! J’ai aucune volonté !!!).
Et dans la région, il parait qu’on peut aussi venir y faire du surf (à Plengkung), ou encore de la plongée (les îles Tubuhan sont un spot très beau) et qu’il y a une plage magnifique (Bedul beach), entourée de mangrove et sanctuaire de tortue…
Mais bon : ce sera pour une prochaine fois, parce qu’on a encore 7 heures de route pour rentrer à Malang… Et c’est reparti pour de nouvelles sensations, comme à l’aller !
Envie de découvrir d’autres Randonnées, en France et ailleurs dans le Monde ?
4 commentaires
Pidjay,
Toujours aussi précis dans tes commentaires. J’ai vu le reportage de TV5 dont tu parles ! J’aime te lire, je m’évade à chaque fois!
Au détour d’un séjour en Asie Sud Est, j’essaierais de venir te voir dans ta campagne reculée.
Le plus simple: Départ de Denpasar ou de Jakarta ?
Après ces quelques mois passés, quel est ton sentiment ? envie de s’y installer pour une longue durée ou envie de rentrer dans notre beau pays quelque peu morose mais bon nous parlons de la France tout de même ?
A plus au plaisir
Sébastien
Salut Pidjay,
Je découvre ENFIN ton magnifique site…. bon mieux vaut tard que jamais…merci de nous faire voyager à travers ces belles photos et récits!
On t’embrasse fort. A bientôt
Delf
Excellent, ici nous sommes le 13 mai, la température oscille entre 13 et 20 degrés, merci Pidjay ça fait du bien !!!
Continue comme ça !
nous t’embrassons
🙂
Bravo Pidjay,
Continue à voyager pour ceux qui vieillissent … mais qui prennent un plaisir ému à te lire et à qui tu fais partager toutes ces beautés du monde…liées à tes reflexions si pertinentes . j’adore mon guide !!!
Bizzzz
G