Randonnée au Pic du Taillon par la Brèche de Roland : Une aventure bien taillée à 3000 m d’altitude dans les Pyrénées.
Le Pic du Taillon a la réputation d’être l’un « des plus faciles 3000 m du cirque de Gavarnie » à gravir. Mais s’il est « le plus facile », cela ne signifie pas pour autant qu’il est forcément simple d’accès… En effet : alors que l’ascension au sommet du Pic du Taillon relève plus de la randonnée que de l’Alpinisme, celui-ci ne se laisse cependant pas conquérir sans passer par quelques épreuves quasiment « initiatiques » (spoiler : il n’y a ni dragons, ni créature maléfique à combattre à l’aide d’épée magique…) et quelques « petites » frayeurs. D’autant plus que c’est mon premier « 3000 » !
Récit et photos d’une Randonnée en 7 étapes à plus de 3000 mètres, dans le décor très minéral du cœur du Parc National des Pyrénées, entre passage de cols, de cascades et de la fameuse Brèche de Roland, théâtre de légendes millénaires, à deux pas du Cirque de Gavarnie !
Bonjour ami randonneur lecteur,
Fin septembre 2023, les prévisions météo étant au beau fixe, nous prenons avec Bayard (nom changé pour conserver l’anonymat) – un ami fan de randonnées, de sommets et de Pyrénées – la décision de faire l’ascension du Pic du Taillon, qui domine le Cirque de Gavarnie du haut de ses 3144 mètres.
Et vu que j’ai récemment perdu mon boulot, c’est une bonne occasion de prendre un peu de hauteur par rapport aux derniers évènements… En plus de gravir mon premier « 3000 » !

** Petit Préambule :
Les hôtels de Gavarnie-Gèdre et à Argelès-Gazost étant soit complets, soit trop chers, soit fermés (en même temps, nous nous étions décidés 4 jours avant le jour J), nous décidons donc de passer la nuit dans la capitale du tourisme religieux d’Occitanie, où la Vierge Marie apparut en 1858 à Bernadette Soubirous : Lourdes.
En effet, située à 1 heure de Gavarnie, Lourdes offrait encore quelques chambres à un prix raisonnable, grâce à la multitude d’hôtels construits et permettant d’accueillir les nombreux pèlerins (quelques 3 millions en 2023).
Bref : à peine arrivés, après les 2h30 de route qui séparent de Bordeaux, et alors que nous sortons les sacs de la voiture, Bayard s’aperçoit d’un léger-petit-problème-oh-3-fois-rien : ses chaussures de randonnée sont restées à Bordeaux… La poisse !
On est dimanche soir et il est 20h30… Autant dire qu’à cette heure-là, les seuls commerces encore ouverts sont les restaurants et les bars d’hôtels… La poisse !
Nous recherchons sur Google Maps si un magasin de sport aurait la bonne idée d’être ouvert dès le lundi matin.
Nous regardons aussi la carte de la randonnée et relisons le topo…
Bayard ayant déjà fait l’ascension de la brèche de Roland, affirme qu’il se sent confiant pour faire la randonnée en baskets et décrète qu’il la fera sans chaussures de rando.
Le dîner rapidement pris, nous nous couchons à 23h00.
Lundi 2 octobre 2023 : Après une courte nuit de sommeil – que j’ai eu du mal à le trouver (ce dernier a d’ailleurs été plutôt haché, probablement excité par l’aventure à venir) – le réveil nous en extirpe à 6h30 du matin, à grand renfort d’une sonnerie particulièrement agressive efficace.
Ma montre (une Suunto D9) m’indique un repos de 6h00… Mon ressenti est plutôt de 4h00 ! (Ouh punaise, je la sens bien cette journée !)
Il va falloir de sacrés coups de fouet pour me réveiller.
Le 1er coup de fouet vient de la douche.
Le 2ème fait suite aux 3 cafés du petit-déjeuner.
Le 3ème est lié au fait que le dit petit déjeuner est pris dans une salle fortement « ambiancée » par un grand groupe de pèlerins sud-américains venus visiter le sanctuaire (c’est dingue, ils font plus de bruits que des Italiens…). Les relevés sont formels : il y a plus de nuisance sonore qu’aux heures de points à l’aéroport de Roissy !
Nous sommes donc bien énervés réveillés et, saoulés par le brouhaha ambiant ainsi mis en forme, prêts à partir à l’assaut du Pic du Taillon !
Fin du Petit Préambule **
Etape 1 > Arrivée au Col des Tentes : Point de départ de la randonnée vers le Pic du Taillon.
Nous quittons Lourdes, direction Gavarnie-Gerdes (55 bons kilomètres – soit 1 « bonne grosse » heure de route) pour nous garer au Col des Tentes, situé en amont de la station de ski.

La route de montagne, bien sinueuse, nous fait longer de belles gorges entre forêts et rivières, puis nous fait traverser la station de ski – où les téléski et télésièges sentent bien seul et autour desquels paissent vaches et mouton – jusqu’au terminus : le Col des Tentes, à 2207 mètres.
Terminus, car la route s’arrête là et il n’est possible de poursuivre qu’à pied.
Nous garons donc la voiture sur le parking du Col des Tentes, changeons de chaussures (enfin, sauf Bayard qui a gardé ses baskets et a systématiquement refusé tout arrêt à quelque Intersport ou Sport 2000, tranchant d’un « Négatif » sec et sans appel ; et ce n’était pas faute d’en voir vu sur le trajet…) et nos sacs à dos et partons à pieds en direction du sentier.
Car le Col des Tentes est le point de départ vers de nombreuses randonnées, dont l’ascension de la Brèche de Roland et le Pic du Taillon.
Quelques voitures sont déjà garées çà et là, mais sans être non plus hyper chargé.
C’est quand même super de pouvoir venir un lundi d’octobre, hors vacances scolaires et avec un bon et beau soleil !
En effet, en plein été c’est aussi chargé qu’un centre commercial lors d’un Black Friday à l’ouverture des magasins (bon, perso, je préfère être à la montagne que dans un centre commercial… A fortiori lors d’un Black Friday).
De toutes façons, il y aura toujours moins de monde sur la randonnée qu’au petit-déjeuner ce matin !

Etape 2 > Départ du Col des Tentes, direction : le Port de Boucharo.
Quittant le Col des Tentes, la randonnée vers le Pic du Taillon commence par une tranquille mise en jambe, en direction du col de Boucharo.
Il est 9h10. Le soleil vient caresser les sommets pyrénéens au cœur du parc national, et inonde la vallée de ses chaudes couleurs.
Au-dessus des montagnes, le ciel bleu pur est à peine perturbé par une lune encore bien visible. Çà et là, quelques petits nuages ajoutent une note esthétique, alors qu’une légère brise nous accompagne.

Le sentier qui chemine à flanc de montagne est facile : goudronné sur sa première partie (et donc accessible aux personnes à mobilité réduite) et plat.
Il surplombe la petite vallée des Pouey Aspé éclatante de vert, au fond de laquelle s’écoule, quelques 400 mètres plus bas, le gave Gilles de la Tourette des Tourettes, formé par le ruisseau des Gabiétous en provenance du glacier éponyme situé sous le versant nord du Pic du Taillon, et qu’alimentent de nombreuses résurgences des flancs de la montagne.

Des moutons broutent, visiblement peu gênés ni par notre passage, ni par les oiseaux qui volent dans le bleu du ciel.
Bref : C’est déjà très beau et la randonnée au Pic du Taillon se présente sous les meilleurs augures !
Et pour couronner le tout : il n’y a pas de réseau téléphonique.


Vu de ce côté-ci la montagne, le Pic du Taillon ne parait pas si difficile d’accès.
30 minutes après avoir commencé la randonnée, le sentier débouche alors au Port de Boucharo (2271m) qui sépare la France de l’Espagne.
Là, un panneau propose alors 2 directions : soit continuer tout droit, en direction de l’Espagne, soit tourner à gauche en direction du Refuge des Sarradets, dit aussi Refuge de la Brèche de Roland.
Ainsi, pour le plaisir, et parce que nous avons un peu de temps devant nous (mais pas des masses non plus, parce qu’on a commencé tard la rando), nous franchissons la frontière pour admirer la vue ouverte sur le versant espagnol.


Puis, nous revenons sur nos pas et partons en direction du panneau directionnel, afin d’entamer l’ascension vers le Col des Sarradets, sans oublier le passage de la cascade éponyme.

Là, au panneau, nous nous retrouvons de l’autre côté du cirque (à environ 1,7 kilomètres du parking, que nous apercevons au loin), sous la face nord du Pic des Gabietous et du Pic du Taillon.
Les 2 pics sont reliés l’un à l’autre par une crête et formant une gigantesque barrière au flanc bien raide.
Vu du sentier, le Pic du Taillon nous paraît assez plat et facile d’accès (sans vouloir casser le suspens, je reviendrai vite sur cette première impression, un peu plus tard, lors de l’ascension de… ouais, bon, vous verrez ça plus bas !).
Etape 3 > L’Ascension se poursuit du Port de Boucharo (2271 m) vers le Col des Sarradets (2589 m).
Nous prenons donc la direction du Col des Sarradets comme indiquée par un panneau directionnel, donné pour 1h30.
Le sentier devient progressivement plus raide, dans un décor de plus en plus minéral qui signe donc la fin des alpages.

En l’absence de balisage d’itinéraire de randonnée, le sentier est bien tracé et relie les cairns disposés à intervalle régulier entre gros rochers éparpillés « façon puzzle ».
Le sentier évolue dans un paysage qui semble bien désolé de vivre à l’ombre de la face nord du Pic du Taillon et serpente sur une terre désespérément sèche, entre gros rochers et petits cailloux.
Quelques touffes d’herbe et chardons secs trahissent, ça et là, une tentative de développement de vie végétale.



Puis évoluant à flanc de montagne, le sentier devient progressivement plus raide, à mesure que nous nous rapprochons de la cascade des Sarradets, laquelle s’écoule depuis le glacier du Taillon.

Âgé de 20 000 ans, c’était l’un des plus grands glaciers des Pyrénées, puisqu’il s’étendait sur 50 kms – depuis le Col de Boucharo, jusqu’à Lourdes – et mesurait 600 mètres d’épaisseur par endroits. Il n’en reste malheureusement pas grand-chose aujourd’hui et sa fin est inéluctable, les experts prévoyant sa disparition à la fin de ce siècle.

Située à 2400m, la traversée de la cascade des Sarradets se fait sans grande difficulté.
Car, avec un tracé particulièrement imprécis – heureusement, des flèches rouges ont été peintes sur les rochers – nous repérons un passage à gué entre les rochers et l’eau qui dévale la montagne en une multitude de cascades plus ou moins grandes. Et qui se brise bruyamment en mille éclats étincelants.


Nous sautons donc de rocher en rocher, entre les éclaboussures d’eau, mais sans trop se tremper les pieds, bien au chauds dans mes chaussures imperméables (je vous conseille vivement les chaussure « Lowa Renegade« ).
Heureusement les jours précédents n’ont pas été pluvieux (ce début d’automne est bien sec), car j’imagine qu’à la fonte des neiges le passage de la cascade n’a pas la même « saveur » !
Certains sites internet indiquaient la présence de mains courantes, mais nous ne les avons pas vues (ou alors c’est que nous n’avons pas franchi la cascade au bon endroit… Après tout, on n’est pas à l’abris de s’être plantés !)

Nous en profitons d’ailleurs pour remplir nos gourdes d’eau bien fraîche.
En quelques pas, nous nous retrouvons donc de l’autre côté de la cascade. Nous poursuivons l’ascension vers le Col des Sarradets sur un sentier étroit, dont la pente s’accentue significativement et qui zigzague entre de gros rochers, le long d’un beau pierrier.

En nous retournant, nous apercevons encore au loin le parking.
C’est donc le moment de faire un bilan : et la sentence tombe froide, implacable, tranchante comme l’arête d’un rocher, car en moins de 55 minutes nous n’avons arpentés que 2,5 kilomètres, pour 200 mètres de dénivelés… Je commence à penser que nous avons, peut être, été un peu ambitieux de vouloir faire cette randonnée à la journée !
Heureusement, les zigzagues laissent vite place à un chemin rectiligne et plus large, lequel offre alors une vue sublime sur le glacier du Taillon (qui a réduit comme peau de chagrin) et le torrent qu’il alimente. Derrière lui, pointe un pic notable : « Le Doigt de Dieu » (surnommé aussi « la Doigt de la Fausse Brèche »).


Et en quelques enjambées le long de 2-3 grands lacets, le chemin débouche au niveau du refuge des Sarradet.
Etape 4 > Le refuge des Sarradets : la pause avant l’ascension finale.
Arrivés au refuge des Sarradets – aussi nommé refuge de la brèche de Roland – perché à une altitude 2587m, nous en profitons pour faire une petite pause dans un décors sublime et déroutant, comme si l’ascension nous avait amené dans un autre univers.


En effet, si l’ascension était très minérale et dépaysante, cette impression est renforcée à notre arrivée au refuge. Car ce dernier, érigé entre 1955 et 1956, ressemble à une base-vie construite sur une planète aride, au bord d’une falaise qui surplombe un impressionnant canyon du Cirque de Gavarnie.
S’il n’y avait, çà et là sur les parois de la montagne quelques courageux brins d’herbes, l’endroit semblerait désolé d’absence de vie.

Au pied de l’impressionnante montagne, un groupe d’alpinistes semble bien décidé de s’attaquer à l’ascension de la paroi, à la verticalité vertigineuse, et ressemblent à des fourmis face à ces géants de granits.
Autour de nous, la faune s’anime : à la faveur d’une légère brise, quelques oiseaux virevoltent dans le canyon du cirque de Gavarnie, à peine dérangés par un hélicoptère de la gendarmerie qui survole la brèche, alors qu’une marmotte siffle, dressée fièrement sur son rocher, avant de courir se mettre à l’abris.

Là, assis sur la terrasse du refuge à savourer un café réconfortant le regard perdu face à la démesure du paysage, depuis les profondeurs du canyon au sommet des montagnes, un léger frisson remonte inexorablement le long ma colonne vertébrale, vertèbre par vertèbre, jusqu’à s’évanouir dans le cou et les épaules.
Car l’espace d’un instant fugace, je suis saisi d’une drôle d’impression, celle d’être transporté, hors du temps et hors des lieux, dans un décor qui s’apparente au désert afghan, mêlant subtilement des paysages lunaires, aux pierres albâtres, et martiens aux roches orangées (ou en tous cas de l’image que je me fais de ces lieux, pour n’avoir jamais mis les pieds dans aucun de ces endroits… Oui, ça se saurait et j’aurais d’ailleurs en toute modestie absente publié des articles sur ce site !).

Et les yeux levés vers le ciel à genoux les petits enfants chantent une dernière prière la montagne, ici les contes médiévaux rejoignent une réalité géographique : l’impressionnante Brèche de Roland crée un passage spectaculaire dans la montagne, ouvrant ainsi une voie entre la France et l’Espagne.
Et vue l’entaille dans la roche, force est de constater que Durandal, l’épée de Roland, devait être sacrément balaise quand même (certainement plus qu’Excalibur, vu que l’épée de Roland a rompu la montagne, alors que celle d’Arthur était juste coincée dans la pierre… France : 1 – Angleterre: 0… Petit Joueur Arthur !!).

Etape 5 > Du Refuge des Sarradets (2587m) à la Brèche de Roland (à 2807m) : 200 de montée bien raide ; les choses sérieuses commencent !
La pause au refuge est agréable et revigorante. Mais bon nous ne sommes pas ici pour être là !
Nous quittons donc le refuge des Sarradets pour continuer notre randonnée vers le Pic du Taillon, et arpenter le sentier qui mène à la Brèche de Roland.
Mais avant cela nous profitons des infrastructures pour faire une « pause technique » aux toilettes sèches, puis remplissons les gourdes en vue de l’ascension.

Le soleil se détache enfin des montagnes et, à mesure qu’il s’élève dans le ciel bleu azur, les températures montent d’un cran (comme la difficulté de l’ascension d’ailleurs). Il fait chaud et nous enlevons une couche de vêtements avant d’attaquer les 220 mètres de dénivelé qui conduisent jusqu’à la brèche.
L’ascension commence d’ailleurs joyeusement sur un sentier qui remonte la crête bien raide de la moraine, constituée de milliers de petits cailloux de calcaires blancs, déposés et polis par le glacier.




Le sentier est d’ailleurs à ce point instable que les cailloux se dérobent régulièrement sous les pieds des randonneurs, en un doux bruissement qui rappelle celui de l’eau qui coule…
C’est donc hyper glissant et cela donne l’impression d’avancer sur une dune de sable mouvant (sauf que les grains de sables sont quand même ici « un poil » plus gros).
Je suis content d’avoir les bâtons et des chaussures tige haute qui maintiennent bien la cheville (et je le serai encore plus à la descente !).

Devant moi, Bayard peste, car équipé seulement de baskets, il ne bénéficie pas de la même stabilité et sa cheville manque de vriller à chaque foulée en s’enfonçant dans les cailloux.
Cadencée par le cliquetis des bâtons qu’accompagnent le bruit de cascades des cailloux, les « oh punaise ça glisse » des autres randonneurs, ainsi que les jurons de Bayard, l’ascension est particulièrement amusante intense.
Alors que nous passons les 2600m d’altitude, sous l’effet d’un effort plus soutenu, le cœur se met à battre à 140 battements par minutes et la respiration se fait un peu plus difficile.
Petit rappel de quelques « Règles de Physique » : |
L’air est composé de 78% de d’azote (ou plus précisément de diazote, N2), de 21% d’oxygène (ou plus précisément de dioxygène, O2) et pour les 1% restant d’un mélange de dioxyde de carbone (CO2), d’Hélium, d’Argon et d’autres traces de gaz. Et pour rappel : l’oxygène est indispensable au fonctionnement des cellules du corps. Lors de la respiration, on inspire du dioxygène et on expire du dioxyde de carbone. Or, plus on monte en altitude, plus la pression atmosphérique diminue, ainsi que la « pression partielle d’oxygène », le rendant donc moins disponible. On se retrouve donc en hypoxie : on inspire moins d’oxygène. Et c’est à partir de 2000 mètres d’altitude que cela commence à avoir un effet sur le corps, à fortiori lorsqu’on pratique une activité physique. Car à cette altitude le taux de ventilation en oxygène » n’est plus que de 78% (contre 100% au niveau de la mer). Ainsi, la raréfaction du dioxygène crée le « mal des montagnes » qui se traduit par : une augmentation du rythme cardiaque (le cœur bat plus vite pour amener plus d’oxygène, devenu plus rare, aux cellules), un essoufflement plus important, des maux de tête, la tête qui tourne, de légères douleurs musculaires… L’apparition des symptômes varie selon les individus et l’altitude, cependant, des études ont montré que 20% des personnes qui montent au-dessus de 2500 m en 1 journée vont présenter ces symptômes. La proportion passe à 40% pour les personnes montant au-dessus de 3000 mètres. Et pour en savoir plus : |
Comme je l’écrivais : « Alors que nous passons les 2600m d’altitude, sous l’effet d’un effort plus soutenu, le cœur se met à battre à 140 battements par minutes et la respiration se fait un peu plus difficile. »

La randonnée n’est pas une course et, dans le silence minéral de la montagne, chacun avance à son rythme.
Là, sur la crête, je réalise que nous ne sommes pas en compétition les uns contre les autres à savoir qui arrivera le premier (ou alors peut-être un petit peu de façon plus ou moins inconsciente), mais plutôt contre moi-même et contre mes croyances limitantes… Je m’étais longtemps cru bien incapable de faire une telle ascension (et encore, je ne suis pas au bout de mes surprises…).
Donc, si la randonnée en haute montagne n’est pas une course, contrairement à un trail, elle est surtout un bon exercice pour sortir de sa zone de confort, se dépasser, challenger son corps, apaiser son esprit et partager des bons moments (oui, et des galères aussi) entre amis ou entre inconnus dans de superbes paysages.
Bref, c’est bien mieux qu’une séance de développement personnel (et en plus, c’est gratuit !).
J’en étais à peu près là de mes réflexions, quand, au détour d’un dernier virage, le sentier serpentant ne finisse par déboucher sur un replat, ou plutôt une succession de dalles rocheuses empilées sur des millions d’années, que l’ancien glacier a sculpté, offrant de sublimes panoramas (oui, encore !).

Dans un décor purement minéral, nous marchons dans un petit vallon rocheux et rocailleux bien poli (non nous n’avons pas un collier de fleurs pas à notre arrivée : les Pyrénées, c’est pas la Polynésie)… Il a été poli par l’ancien glacier, maintenant disparu), slalomant entre de multiples cairns, des petits lacs creusés dans la roche et des emplacements créés pour bivouaquer à l’abris du vent.
A quelques 2700 m d’altitude, ce replat est le lieu idéal pour faire une petite pause et reprendre notre souffle, avant d’attaquer la dernière ligne droite – ou plutôt verticale – et vertigineuse vers la brèche de Roland.

Cette portion est tellement verticale que je délaisse mes bâtons devenus inutiles pour m’aider des mains pour grimper : c’est raide et on passe dans des passages assez étroits et accidentés, tout en s’agrippant comme on peut à une roche friable… Jusqu’au pas final (et pas « fatal », hein ?!), qui nous hisse au creux de la brèche de Roland !



Il est 12h20 quand nous arrivons enfin à la brèche de Roland, à 2807m d’altitude.
Dans le Cirque de Gavarnie, elle marque le passage de frontière entre la France et l’Espagne.
Selon la légende, le chevalier Roland (736-778), neveu de Charlemagne, aurait taillé la roche à l’aide de son épée (Durandal) afin d’échapper, avec ses troupes, aux Maures, en sonnant la retraite avec son olifant (le cor en ivoire des chevaliers).
Charlemagnes, venu récupérer son corps, a ensuite déposé le cor de Roland à La Basilique Saint-Seurin à Bordeaux (oui : son cor, pas son corps. Et je réalise un truc de dingue : je suis donc, depuis des années voisin avec Roland… ou en tous cas, avec son olifant. Je rentre dans la légende !!).
Nous croisons un petit groupe de randonneurs retraités qui redescendent tranquillement, alors que d’autres, font une pause pour admirer le paysage.
Nous décidons de les imiter. D’autant qu’en ce lundi, et hors vacances scolaires de surcroit, il n’y a vraiment pas grand monde, donc il est aisé de trouver une place… Nous avons la brèche quasiment pour nous tous seuls (l’été, ce n’est pas le même « plaisir »).
Debout au cœur de la brèche de 40 mètres de large, que des millions d’années ont transformé en 2 majestueuses proues de bateaux de 100 m de haut qui se font face, je suis ébahis par la vue sublime de part et d’autre de la frontière.


Ainsi, côté Français (au Nord), il nous est donné d’admirer le Cirque de Gavarnie et les enchainements de sommets pyrénéens.

Alors que du côté Espagnol (au Sud, donc), la vue sur le canyon d’Ordesa offre un panorama radicalement différent. Bien plus minéral et aride que le côté français, le paysage est plus chaotique : le canyon désertique est surplombé de vallons striés, entourés de lacs presque-asséchés et de plaines dans lesquelles serpentent de petits cours d’eau au faible débit.


Les roches couleur ocre-orangé, renforcent l’impression de paysage martien désertique, déjà ressenti lors de l’ascension.
Au loin les successions d’arêtes et de crêtes s’étendent à perte de vue, les unes derrière les autres dans la brume : c’est magnifique !



Ne serait-ce que pour ces vues époustouflantes, je ne regrette pas un instant des 3h20min45sec d’ascension (que nous aurions dû faire, d’après les topos, en 2h50 ; mais rallongée par les pauses et les petits détours suggérés par notre curiosité)… ni la nuit courte !
Dans le ciel, de petits choucas noirs volent dans le vent, en passant allègrement de part et d’autre de la frontière, en s’amusant avec le dénivelé.

Nous discutons avec le petit groupe de randonneurs qui reviennent du Taillon.
En l’absence de signalétique précise, ils nous donnent quelques informations sur la piste à suivre, dont la plus importante : garder l’altitude et donc rester au plus près de la montagne…
Et nous souhaitent bon courage pour le passage du Doigt de Dieu !

Etape 6 > De la Brèche de Roland vers le Pic du Taillon.
Nous laissons alors l’entaille de Roland et taillons la route à faible allure à flanc de montagne vers le Taillon !
Pour rejoindre le Pic du Taillon, nous nous suivons le sentier qui évolue à flanc de montagne côté espagnol, et sans perdre d’altitude marchons en direction du « Doigt de Dieu » (2930 m).



Nous suivons donc ce chemin qui part immédiatement à droite, le long de la montagne, dans laquelle des cavités permettent par endroit de bivouaquer, et nous nous assurons de garder le plus d’altitude possible.
Si l’ambiance reste très aride et minérale, cette partie de montagne n’est cependant pas totalement dépourvu de vie. Nous sommes en effet accompagnés par quelques papillons et entre les rochers gris et rose, quelques rares plantes tentent de pousser.

Le Doigt de Dieu n’est pas un pic à grimper pour accéder au Taillon, mais à contourner par sa face Nord (et donc en repassant du côté français).
Le nom du pic est assez évocateur, car le contourner s’apparente à une épreuve que d’aucun pourrait qualifier de « divine » surprise !

En effet, arrivé côté français, le sentier conduit le long d’une crête vers une petite plateforme rocheuse, où nous sommes accueillis par un grand-père et son petit-fils, encordés l’un à l’autre par sécurité.
Il faut dire que cette étroite plateforme plonge à pic en direction du glacier et permet de longer le Doigt de Dieu grâce à une toute petite corniche d’une 15aine de mètres de long.
La corniche est bien exposée, avec un dévers très très (très très très) vertical et très très (très très très) haut.
Elle n’accepte qu’un demi-pied pour passer.
Bref : il faudra passer face à la paroi rocheuse, en s’aidant des mains pour se tenir aux rochers, en mettant ses doigts où c’est possible (je voulais faire la blague, « comme disait mon ex », mais compte tenu du fait que j’ai un peu la trouille dévers, je ne fais pas trop le malin !) au grès des prises accessibles, le long d’un passage vertigineux et avec très peu de places pour les pieds (à peine la largeur de mon pied)… Le kiff (nan, je déc*nne) !
D’autant plus que je me suis rendu compte lors de l’ascension au Mont Aorai à Tahiti que je pouvais être un petit peu sujet au j’avais le vertige !

Si les sites consultés avant le départ faisaient état de mains courantes installées pour s’aider à passer, en ce début octobre, elles n’étaient pas là.
Rien. Niet. Nada…. Pas une seule chaine ou corde présente pour se tenir !
Si j’étais paranoïaque, j’en viendrais presqu’à croire qu’elles ont été enlevées juste avant mon arrivée, tout comme celles de la cascade, un peu comme un « cadeau de bienvenue » !

Et c’est étonnant de constater que, dès que l’on est hors de sa zone de confort, le cerveau commencer à élaborer tout un tas de scénarii tous plus improbables les uns que les autres, sous forme de « Et si »…
A commencer à par : Et si mon pied glisse ?
Je me rassure par un : Pas de soucis, je me rattrape avec mes doigts.
Oui, mais : Et si mes doigts ne s’agrippent pas bien et que je dévisse ?
Bon, j’avoue : ce serait quand même un peu la poisse ! Parce que ça voudrait dire que je me retrouve tout en bas du glacier, et qu’il faudrait que je recommence l’ascension depuis le refuge !
Enfin, ça c’est dans le meilleur des cas… Parce que vu le dénivelé et les rochers acérés qui se situent entre la corniche et le glacier, les statistiques pour que j’arrive en bas en 1 seul morceau et droit dans mes bottes sur mes jambes sont particulièrement faibles.
Donc : Et si je tombe et que je dévisse ?
La vraie réponse, objective, est que… je meure.
Et si j’aime la randonnée en haute montagne, je n’ai pas une super grosse envie de mourir là tout de suite !
J’ai encore plein d’articles à écrire sur ce blog de choses que j’ai envie de réaliser dans ma vie ! Cela dit, puisqu’on est que de passage sur cette belle Terre, si je pouvais choisir la façon de tirer ma révérence, j’aimerai que ce soit dans mon sommeil, ou sinon avec panache et avoir alors comme épitaphe : « Il est mort comme il a vécu, en dépit du bon sens faisant quelque chose qu’il aimait »… Non mais qu’est-ce que je fous là, je veux pas mourir !!
Je suis arraché à mes réflexions par Bayard, arrivé de l’autre côté :
– « Mais c’est complètement absurde, tu ne vas pas mourir », me tance Bayard.
– Bah, comment tu le sais ? Tu lis dans mes pensées ?
– Non, je lis ton billet sur ton blog. Je peux t’assurer que tu ne vas pas mourir ; et en plus, ça m’arrange, c’est toi qui a les clés de la voiture.
– Ok, mais, t’as vu le dévers ?
– Oui justement ! Je viens de passer la corniche en baskets… Il n’y a rien de compliqué, alors arrête d’exagérer.
– Alors, d’abord vu que c’est mon blog, donc j’exagère si je veux ! Et puis je n’ai que l’avant du pied sur la roche, le talon est dans le vide quand même… Et en plus, je commence à avoir le vertige !
– Bon, avance, plutôt que de ruminer à te demander ce que tu fais là, et surtout ne regarde pas en bas.
– Argh, trop tard, j’ai regardé !!! Aaaaah je vais mourir…
– Mais non, tu ne vas pas mourir ! Et puis tu es catho, donc tu ne devrais pas avoir peur !
– Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de tomber !
– Bon et bien alors : fixe ton regard sur tes doigts, cherche tes prises, assure-les ! Ne doute pas et avance.
– …
– Ça va bien se passer !
Soudain, me rappelant que » Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car Tu es avec moi : Ton bâton me guide et me rassure » (Psaume 22), je décrispe alors mes bras et les étends mes mains. Mes doigts trouvent miraculeusement des prises adéquates et ainsi assuré le long de la paroi, mes jambes tétanisées se remettent en mouvement : 1 pas… Puis 2 pas…
– Bin voilà, tu les gères super bien tes prises ; tu passe parfaitement !
– Mouais…
– Mais si, tu avances bien ! Regarde vers le haut, regarde tes prises, assure-les et continue de déplacer tes pieds latéralement le long de la corniche.

Les yeux plantés vers le ciel, les doigts accrochés à la roche, je reste face à la paroi et dos au vide, que je m’applique à ne pas regarder. Lentement, mais surement, mes pieds m’amènent de l’autre côté de la corniche, sur un terrain plus large et avec nettement moins de dévers.
Yallaaaaah, je suis passé et je suis bien en vie !! Dans ta face la corniche (oui, je sais garder le triomphe relativement modeste) !!
Bon ok j’avoue : j’ai les jambes qui tremblent encore un peu et les doigts encore crispés… Mais je suis passé !
– Tu vois que tu exagères tout !
– Bah non, pas du tout, je ne vois pas du tout ce que tu veux dire !
Il n’y a pas à dire : dans les moments difficiles, il n’y a rien de mieux que d’avoir un bon binôme qui vient vous conseiller pour augmenter votre confiance en vous et vous aider à battre vos peurs.
C’est donc quand nous sommes faibles, qu’à ce moment-là nous sommes forts (pour paraphraser Paul) ; car en acceptant notre faiblesse, on offre ainsi une opportunité à l’autre de venir nous aider, en lui faisant confiance, et cela nous fait grandir !

Ainsi revigoré et comme galvanisé – car on se sent encore plus « en vie » quand on a surmonté ses peurs, surtout après avoir frôlé la mort (comment ça, «t’exagères-pas-un-petit-peu-là» ? Oui, bon peut-être un peu… Mais sinon, c’est pas drôle !) – d’avoir franchi la partie la plus délicate de la randonnée, nous entamons l’ascension finale vers le sommet du Pic du Taillon.
En tous cas, je sors de ce passage de corniche avec 3 certitudes :
- je ne ferai jamais d’alpinisme, ni d’escalade ; je me contenterai de la randonnée (c’est déjà pas mal).
- je sens que je vais bien rigoler au retour, car il faudra passer par le même passage.
- se mettre en action est le meilleur remède aux ruminations, surtout en faisant une activité qui fait plaisir.

Ainsi donc, l’ascension finale de la randonnée vers le Pic du Taillon se fait le long d’un sentier bien large et bien tracé, lequel zigzague le long d’une pente assez raide, mais n’offrant aucune difficulté.
Sous le soleil, les couleurs contrastées de la montagne sont spectaculaires et varient du gris « lunaire » à l’ocre « martien » sans transition.



Il est 13h30, soit 4h20 après le départ, quand nous atteignons le sommet du Pic du Taillon qui se dresse fièrement à 3144 m, entre la France et l’Espagne, offrant une vue à 360° magnifique / spectaculaire / sublime / fantastique / pas mal (rayez la mention inutile) sur les Pyrénées !


Révélés par le soleil, pics, lignes de crêtes, canyons et vallées s’étendent devant nous, à perte de vue : la brèche de Roland, le canyon d’Ordesa, le Mont Perdu (3 355 m), le pic du Marboré (3248 m) plus à l’ouest le Vignemale (3298 m) et plus à l’est, nous apercevons même le Pic de Néouvielle (3091 m), ainsi que l’observatoire du Pic du Midi de Bigorre perché à 2 877 mètres (bon, avec des jumelles tout de même).
Nous pouvons même apercevoir le parking du Col des Tentes d’où nous sommes partis 4 heures plus tôt !

Arrivé au sommet et contemplant ce panorama à couper le souffle qui s’offre à nous, un sentiment d’accomplissement, mélange de satisfaction et de joie intense m’envahit !
La joie d’y être arrivé.
La satisfaction de m’être dépassé et d’avoir bravé mes peurs.

La montagne challenge, physiquement et psychologiquement. Elle peut être fatale, mais elle aide à se dépasser, à affronter ses doutes, ses peurs. Et dans les moments difficiles, elle aide à se recentrer sur l’objectif – et donc se rappeler pourquoi on est venu (au lieu de se dire… « mais qu’est-ce que je fous là »… oui, je plaide coupable !) – et l’instant présent pour mieux avancer.
A l’instar du surf, la montagne pousse à faire preuve d’humilité : il faut savoir s’écouter, s’arrêter quand le corps le demande et ne pas surestimer ses capacités.
C’est vrai pour la randonnée – surtout en haute altitude – mais encore plus pour l’alpinisme. Ce dont témoigne Benjamin Védrines suite à son accident – et son sauvetage miraculeux – survenu lors de l’ascension du K2, durant laquelle estime avoir « un peu trop poussé le bouchon », enivré par son ascension « historique » du Broad Peak, réalisée en 7h28 (sommets à plus de 8000 mètres).
D’ailleurs, comme le disait Edward Whymper (alpiniste anglais, né en 1840 à Londres et mort en 1911 à Chamonix, où il est enterré) :
« le moindre moment de négligence peut détruire une vie entière de bonheur ».
Bien que l’Homme s’évertue à vouloir dominer la nature, voire même à la nier, nous sommes en fait bien insignifiants face à sa grandeur. Et à l’immensité des montagnes.

Alors que j’aspire à plein poumons l’air pur des montagnes et je me sens en totale plénitude, « entièrement au bonheur d’exister » (pour paraphraser Eric-Emmanuel Schmitt dans « La Traversée des Temps »).
Au sommet, nous croisons d’autres randonneurs français et espagnols qui, comme nous, immortalisent l’instant et la beauté du paysage en prenant de nombreuses photos et selfies.


Au-dessus de nos têtes, des rapaces, vautour et gypaète, ailes étendues, sont à la recherche de nourriture.
D’ailleurs, vu qu’il est l’heure de déjeuner, nous décidons de les imiter.
Or, le vent s’étant levé, l’atmosphère s’est rapidement rafraîchie et à plus de 3000 mètres, la perte de température est particulièrement notable.
Nous nous mettons donc à l’abris de grosses pierres installées pour bivouaquer et entamons notre pique-nique, sous le regard intéressé des oiseaux.

Etape 7 > Le Retour : Du Pic du Taillon vers le Col des Tentes, en passant par la Lorraine avec mes sabots Brèche de Roland… Le même chemin, mais dans l’autre sens !
La descente du Pic du Taillon, par le même chemin, est une autre aventure en soi !
Notre pique-nique, fait de barres de céréales, de petits sandwichs (préparés au petit déjeuner) et des pains au chocolatines (prises au buffet), est frugal donc vite mangé.
Dans le ciel, le soleil joue à cache-cache avec les nuages poussés par le vent, accentuant l’impression de froid, malgré notre abri de fortune.
Et comme du haut de ces 3144 mètres d’altitude nous commençons à avoir quelques maux de tête, dû au manque d’oxygène (selon les règles de physique expliquées plus haut), nous ne nous offrons pas le luxe d’une petite sieste, en dépit de la fatigue.
D’autant plus qu’il fait frais avec le vent et surtout qu’il faut compter 3 à 4 heures pour redescendre (et ajouter à cela les 3h de voiture pour rentrer à Bordeaux…).

La pause au Pic du Taillon est de courte durée (30 minutes, photos comprises), mais intense et avec une vue sublime !
Il est 14h00 : nous décidons de nous remettre en route et prenons le chemin du retour vers le Col des Tentes.
Le retour se fait donc par le même chemin qu’emprunté à l’aller, mais les paysages semblent différents. Le panorama est toujours aussi beau et spectaculaire (nous l’apprécions d’autant mieux, qu’à la descente notre regard porte à l’horizon).
Le sentier lui toujours aussi vertigineux au niveau du doigt de Dieu (mais bon, je suis passé, malgré ma peur du vide… un peu le 2ème effet « Kiss Cool » !)


Nous passons devant une grotte que nous n’avions pas vue lors de l‘ascension. Elle porte une stèle en mémoire de Johannes Smidt, jeune alpiniste mort tragiquement en 1992, à 18 ans seulement, frappé par la foudre alors qu’il avait trouvé refuge dans une petite grotte, au creux de la montagne.



La brèche passée, la descente vers le refuge est par endroits tellement raide (c’est marrant, je n’avais pas cette impression lors de l’ascension) que je décide de descendre sur les fesses ! Et tant pis pour la dignité (il arrive un moment où on s’assoit dessus… Le plus important est d’être efficace pour atteindre son objectif !).



J’use et abuse de mes bâtons pour assurer ma descente et éviter de glisser sous les cailloux qui se dérobent par moment, surtout lors de la descente sur le pierrier, en direction du refuge.
Nous profitons d’ailleurs du refuge pour faire une dernière petite pause « technique » au (ah les toilettes sèches en altitude… Toujours une drôle d’expérience, à fortiori quand il y a du vent !).

Puis nous repassons par la cascade…
Mais bizarrement, nous ne retrouvons pas le même passage qu’à l’aller (on a dû louper les flèches rouges à un moment). Dommage, il était plutôt facile !
Là, les rochers forment de grosses marches rendues glissantes par les éclats d’eau, qu’entourent des petites piscines… La moindre glissade et c’est le bain glacé assuré ! Histoire de ne prendre aucun risque, je descends ces marches naturelles de façon très élégante : sur les fesses (Efficacité avant tout… efficacité oui, mais le short mouillé à l’arrière !).

Puis, nous retrouvons progressivement un chemin plus plat, avec moins d’aspérité et un peu d’herbe plus ou moins sèche.
Le sentier cède ensuite la place au chemin bitumé jusqu’au parking, où nous arrivons sous les hourras des choucas qui volent dans la douce brise du soir et des chants des grillons réchauffés par les doux rayons du soleil, lesquels colorent de miel la vallée en ce début d’automne.

Nous retrouvons la voiture à 17h30, après 14 kms de marche (en fait un peu moins, mais j’ai fait le tour du parking pour faire un compte rond…) que nous avons arpentés en 8h11.
Nous sommes fourbus, mais tellement heureux après cette belle journée de randonnée au Pic du Taillon !
Car, insignifiants et vulnérables face à la montagne, celle-ci teste notre endurance, challenge notre motivation et nous fait grandir.
La randonnée en haute altitude permet de vivre intensément le moment présent – concentrés sur nos pas, nos mains, les paysages – et surtout à lâcher prise de ses ruminations (non, pas les prises des mains sur la paroi rocheuse…).
» Chacun de nous, dans sa vie, a sa propre montagne à gravir ! «
Ainsi, comme disait Mike Horn : « Chacun de nous, dans sa vie, a sa propre montagne à gravir ! (« Vouloir Toucher les Etoiles », un de ses meilleurs livres, dont je vous recommande chaudement la lecture).
Et à l’occasion de cette randonnée au Pic du Taillon, je dirais que :
- Pour Bayard, c’est d’avoir fait l’aller-retour en baskets.
- Pour moi, c’est d’avoir gravi mon premier 3000 et surtout su gérer ma peur du vide (à défaut de l’avoir vaincue).
Puis, une fois changés, nous reprenons la route en direction de Bordeaux, sans oublier de faire une petite pause pour acheter quelques spécialités de la région : du saucisson, pâté, jambon de porc noir de Bigorre, fromage de brebis… Bref : que du bon ; après l’effort, le réconfort (C’est un peu la cerise sur le gâteau cochon) !
En cette période de transition professionnelle et après cette super journée où j’ai pu prendre un peu de hauteur sur les évènements et tutoyer les sommets, je me demande quelle sera ma prochaine montagne à gravir…
Quelques Conseils pour préparer votre Randonnée à la Brèche de Roland et au Pic du Taillon.
Informations Générales sur la randonnée au Pic du Taillon :
- Difficulté: Difficile. Sentier tracé, mais peu signalisé ; avec passages exposés et pas toujours de mains courantes.
- Durée: 7h00 (Aller-Retour, d’après le guide Topo), prévoir plutôt 7h30 voir 8 heures (avec les pauses, pique-nique…).
- Distance: 13,5 kms.
- Dénivelés (selon Suunto): 1106 m (Positif) ; 1108 m (Négatif)
- Altitudes : 2181 m (point de départ) à 3144 m (Altitude max)
- Quand: de début Juin (attention, il peut y avoir encore de la neige) à mi-octobre. Très fréquenté en juillet & août.
- Point de départ : Parking du Col des Tentes, en amont de la station de ski de Gavarnie.
- Retour: par le même chemin.
- Autres sites pouvant être utiles à consulter avant le départ :
- Topo et tracé GPS : www.randozone.com/topos/
- Autres infos : www.altituderando.com et www.topopyrenees.com
Conseils pour la randonnée au Pic du Taillon et à la Brèche de Roland :
- Prendre de l’eau (en plus du pique-nique).
- Je vous conseille d’ailleurs l’utilisation d’une super gourde : la Gourde Lifestraw. Elle vous permet de boire de l’eau de n’importe quel point d’eau, sans risque, grâce à son filtre qui élimine plus de 99,99 % des bactéries et autres protozoaires contenus dans des eaux non potables ; je l’ai utilisée à plusieurs reprises, dans différents points d’eau (sauf des flaques…) et n’ai eu aucun problème (en savoir plus sur cette gourde – pour être transparent avec vous, c’est un lien affilié ; vous ne payez pas plus cher, mais contribuez à récompenser cet article) :
- Vêtements à prendre entre Juin et Septembre : Short et T-shirt suffisent si le temps est beau (prévoir un de quoi se couvrir pour les passages à l’ombre), casquette et même maillot et serviette pour se baigner dans le lac. Sinon : pantalon léger, petit coupe-vent (et le système des 3 couches).
- Prendre des chaussures de randonnée, tiges hautes, imperméables (passage de cascade) et membrane Vibram. Je vous conseille les Lowa Renegade (les miennes)
- Prévoir de la crème solaire.
- Respectez la nature, ne laissez aucune trace de votre passage : Prendre des sacs pour rapporter vos déchets.
- Bâtons de marche – franchement très utiles (surtout lors de l’ascension entre le refuge et la Brèche).
- Comme le Pic du Taillon et le Cirque de Gavarnie font partie du parc national des Pyrénées, des règles s’appliquent :
-
- Les chiens, même tenus en laisse, sont interdits sur le site.
- Interdiction de faire du camping, d’allumer des feux et le bivouac est réglementé.
- Interdiction de faire de la cueillette de plantes ou de rapporter quelconques minéraux ou fossiles.
- Interdiction de faire du VTT ou de rouler en voiture ou d’y faire du parapente.
- Les armes sont aussi interdites (pas de chasse donc)
- « Ni bruit ni dérangeant pour la quiétude de tous »…
- Vérifiez les conditions météorologiques avant de partir en montagne (Météo France, Meteoblue, La Chaine Météo).
Et pour découvrir les Hautes Pyrénées, voici le guide Topo que j’aime utiliser (lien affilié) :
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4 commentaires
Cette randonnée est fantastique. Les photos sont très belles. J’aime beaucoup le ton du récit ; très drôle et humoristique, c’est très agréable à lire. C’est quelque chose que je ne sais pas faire dans mon blog; je reste (trop) dans le ton narratif et informatif. Merci pour ce petit moment.
Comme le commentaire précédent, je vous propose un lien vers la même randonnée sur mon blog: https://www.randos-passion.com/randonnee-a-la-breche-de-roland-et-au-taillon/
À bientôt
Philippe
Merci Philippe ! Content que le ton de l’article et que mon sens de l’humour vous aient plus.
Merci aussi pour le partage de votre blog et du récit, ponctué de très belles photos et d’anecdotes historiques intéressantes : chaque blog/site a son style propre et c’est toujours sympa de partager les aventures des autres !
A bientôt peut être sur les sentiers pyrénéens…
Pierre-Jean
Bonjour Pierre-Jean.
Nous avons bien aimé votre reportage concernant l’ascension du Taillon, et surtout votre sens de l’humour agrémenté d’une bonne dose d’autodérision !
Ayant nous-mêmes gravi ce somment en août 2021, c’est avec un grand plaisir que nous avons retrouvé cette ambiance propre à la haute montagne.
Si cela vous intéresse, vous pouvez comparer nos ressentis respectifs en lisant notre reportage ici : https://mototracteurs.forumactif.com/t61184-de-la-breche-au-taillon
Michel
Merci Michel pour votre message.
Ravi de lire que mon billet vous a rappelé de bons souvenirs et content que mon sens de l’humour vous ait plu (rire de soi-même a un double avantage : on ne blesse personne et on a toujours de bonnes occasions de rigoler !).
Vos photos sont magnifiques ! Merci aussi pour le partage de votre reportage.